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Derrière l’hôtel, il y avait un beau jardin qui longeait la rue d’Astorg. Au bout de ce jardin s’élevaient deux kiosques isolés, où l’on n’entrait guère, et dont l’un avait une sortie au dehors.

Ce dernier kiosque avait dans les bureaux une joyeuse renommée. On racontait volontiers aux commis nouveaux qu’il avait servi de petite maison au fameux duc de Barbansac, vétéran de la régence et premier propriétaire de l’hôtel.

On ajoutait que la porte basse qui donnait sur le dehors avait servi autant à la femme qu’au mari pour le moins, et que madame la duchesse rentrait bien souvent par là, dans l’hôtel, à des heures téméraires.

Ce duc de Barbansac n’avait, en conscience, que ce qu’il méritait…

La petite porte était admirablement située pour un exercice de ce genre. Elle s’ouvrait, tout au bout du jardin, sur un passage étroit qui existait encore en 1844, et qui rejoignait tortueusement la rue d’Anjou, à laquelle il empruntait son nom.

De la porte de la rue, il n’y avait absolument qu’un saut. La rue d’Astorg n’était guère fréquentée, et, dans ce court trajet, il eût fallu du malheur pour attirer le regard des curieux.

Pourtant cela n’était pas impossible, et le pavillon avait une chronique plus récente.

Un vieux commis prétendait avoir vu, par une matinée de brouillard, un homme emmitouflé dans un manteau, qui se glissait hors du pavillon et enfilait précipitamment le passage, du côté de la rue d’Anjou.

Le vieux commis était susceptible d’avoir des lubies, comme il arrive à ses pareils ; on lui insinua qu’il avait la berlue, et il voulut tirer le fait au clair. Il revint le lendemain matin et les jours suivants se poster devant le pavillon, à l’angle du passage et de la rus d’Astorg.

Ilne vit rien. L’histoire tomba dans l’eau.

Il était environ huit heures du soir, et la famille de Geldberg était réunie dans un petit salon, au premier étage de l’hôtel. C’était là que le vieux Moïse aimait à se tenir après dîner. Il y régnait un luxe digne et bien entendu, qui convenait à la haute position de fortune occupée par la maison de Geldberg.

Quelques tableaux de bons maîtres, suspendus entre les riches mou-