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rent nous demander compte du dépôt confié. Nous leur montrâmes un berceau vide.

» Depuis lors bien des années se sont passées. Ma pauvre Gertraud est morte. J’ai cherché le fils de mon maître patiemment et sans me lasser.

» Les trois bâtards ont fait de même, malgré tous les dangers qui entouraient leurs voyages.

» Mais l’enfant a échappé à toutes nos recherches. Ceux qui l’ont enlevé ont su le bien cacher… Et peut-être le dernier Bluthaupt a-t-il subi le sort de sa famille entière… »

Hans se tut et appuya sa tête sur sa main.

Les convives avaient espéré mieux de cette histoire, que leur imagination avait entourée d’avance de mystérieuses merveilles. Johann surtout parut désappointé.

— Comme cela, dit-il brusquement, le fils du diable est mort ?

— Il y a gros à parier, du moins, ajouta Hermann ; et puisque les autres sont bâtards, c’est une famille finie !

On entendit une demi-douzaine de gros soupirs autour de la table : c’était l’oraison funèbre de Bluthaupt.

Hans tourmentait de la main les masses épaisses de ses cheveux grisonnants.

— Je ne sais, murmura-t-il, répondant à sa propre pensée ; mon Dieu ! je ne sais !… jamais je n’ai vu de ressemblance pareille !… Et je ne puis chasser ce visage d’enfant qui sourit toujours au-devant de mes yeux.

— Il n’a pas tout dit, grommela Johann ; — il y a quelque chose, bien sûr.

— Si c’était lui !… reprit Hans, dont l’œil s’animait de plus en plus ; — si j’avais revu l’héritier de Bluthaupt !

Hermann ouvrit la bouche pour questionner.

— Chut ! fit Johann en clignant de la paupière.

Hans joignit ses mains, et leva son regard vers le ciel.

— Plus j’y pense, reprit-il, et plus je crois… Ce doit être lui… Ce ne peut être que lui !

— Et où est-il ? demanda Hermann, incapable de se retenir davantage.