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CHAPITRE V.

LA GIRAFE.

Le Temple était fermé depuis longtemps déjà. On voyait, à travers la charpente à jour de ses baraques, les trois ou quatre becs de gaz qui font semblant d’éclairer le passage principal. Tout se taisait dans cette enceinte, naguère si bruyante, où tant que dure l’année, l’âpre mercantilisme s’évertue à exploiter la misère. Elles dormaient, solitaires, ces échoppes tentatrices qui appellent incessamment le pauvre et lui promettent des armes contre le froid humide de l’hiver. Sur le tabouret de paille des places désertées, aucune sirène ne restait pour prononcer la harangue banale, mais éloquente, qui aveugle le chaland et lui fait voir un vêtement là où il n’y a que des haillons. L’esprit de mensonge et d’avidité qui est l’âme du Temple sommeillait pour quelques heures. Il n’y avait plus là qu’un grand carré de cabanes, gardées par quatre hommes et quatre chiens contre la foi douteuse des rôdeurs de nuit.

Quand on passe, le soir, devant la blanche colonnade de la Bourse, le palais silencieux semble se reposer des fièvres de la journée. Le péristyle est désert ; nul pas ne retentit sur les pierres du perron, et, deux sentinelles qui ne savent pas même, les bonnes gens, ce que c’est que la rente ferme et les réponses des primes, se promènent toutes seules le long de la grille fermée.