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Il joignit les mains et releva sur Denise son regard suppliant :

— Je vous en prie, balbutia-t-il, pardonnez-moi… Si vous saviez…

— Je ne veux rien savoir, interrompit la jeune fille ; et je vous le demande encore, monsieur, laissez-moi rentrer chez ma mère… Marianne me cherche sans doute : la porte va s’ouvrir tout à l’heure, et l’on va nous trouver ensemble !

— C’est vrai, murmura Franz d’un ton soumis et triste ; je n’avais pas songé à cela… Mon Dieu ! je n’avais songé à rien, mademoiselle, sinon à vous voir une dernière fois.

Denise retint une parole sévère qui était sur sa jolie lèvre, et ses sourcils froncés se détendirent. La pourpre de son front fit place à la pâleur.

— Je veux rentrer, dit-elle encore cependant d’une voix qui n’était plus irritée. Si vous partez, monsieur Franz, je souhaite que Dieu vous donne du bonheur… Je vous pardonne votre imprudence ; mais ne me retenez pas ici plus longtemps.

— Je ne pars pas, dit Franz ; et cependant je ne vous reverrai plus… Merci pour votre pardon, mademoiselle… Si vous aviez gardé de la colère contre moi, ma dernière nuit eût été bien amère.

Denise se sentit du froid dans les veines.

— Adieu ! mademoiselle, reprit Franz qui ouvrit enfin le passage, adieu, Denise !… Laissez-moi vous appeler ainsi au moment de vous quitter pour toujours… laissez-moi vous dire que je vous aimais, que je vous aime de toutes les forces de mon cœur, et que ma dernière pensée sera pour vous !

La jeune fille ne songeait plus à profiter de l’issue offerte. Ses beaux yeux, effrayés, interrogeaient le mélancolique visage de Franz et semblaient y chercher un prétexte d’espérer.

— Que parlez-vous de mourir ? dit-elle tout bas. Vous êtes un enfant, Franz…, et vous voulez m’effrayer pour vous faire pardonner votre folie.

Sa voix était douce et semblait prier à son tour.

Franz secoua la tête.

— On peut parler de mourir, répliqua-t-il, quand on ne laisse ici-bas de regrets à personne… Oh ! si j’avais eu un cœur pour m’aimer, j’aurais