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À voir cette gracieuse figure, encadrée par la fenêtre brune du fiacre, on eût deviné, par derrière, un joli corps de femme, sans la moustache blonde qui corroborait le témoignage du costume masculin, indice parfois menteur en temps de carnaval.

C’était bien un jeune garçon. Il pouvait avoir dix-huit ans, tout au plus, et, parmi sa grâce féminine, on apercevait déjà comme un reflet de la mâle beauté qui allait lui venir.

Sa voix s’était élevée pour appeler son cocher, assourdi par le bruit de la rue.

— Arrêtez ici ! cria-t-il à plusieurs reprises ; arrêtez !

Le chevalier et son compagnon étaient trop occupés pour que cet incident pût les distraire. Si l’étranger lui-même tourna la tête, à cette voix entendue tout à coup, ce fut assurément par hasard.

Mais, dès que son œil eut rencontré le charmant visage de l’adolescent, sa physionomie s’émut et son regard se troubla. Une rougeur subite envahit sa joue pâle, et il fit un mouvement involontaire comme pour s’élancer en avant.

Quelle que fût la source de cet intérêt inexplicable, l’étranger se contint en ce premier moment et reprit son immobilité froide ; mais la conversation de l’homme au paletot blanc et de Verdier glissait désormais comme un murmure vain sur son oreille inattentive.

Le fiacre s’était arrêté enfin à quelques pas de lui ; l’adolescent mit pied à terre sans le secours du cocher, et gagna le côté opposé de la rue. Il portait dans ses bras un paquet volumineux.

L’étranger jeta un regard de regret vers les deux interlocuteurs de la rue des Fontaines, dont la conversation, surprise, avait excité d’abord si puissamment sa curiosité. Un instinct secret semblait le retenir auprès d’eux ; mais un instinct plus fort l’entraînait en sens contraire.

Il s’élança sur les pas du bel adolescent, dont la taille fine et gracieuse se perdait déjà dans la foule.

Ce dernier tournait l’angle des maisons qui bornent l’enclos du Temple, au moment où l’étranger franchissait la ligne des voitures et traversait la chaussée.

L’étranger atteignit l’enclos du Temple à son tour ; deux secondes suf-