Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ils sont partis, les ingrats… partis tous les deux !

— Et il faut que je parte à mon tour ! dit Otto.

Blasius haussa les épaules avec colère et ne daigna point répondre autrement.

— Il faut que je parte… répéta le bâtard d’un ton grave, à l’instant même !… et vous allez m’en faciliter les moyens.

Blasius le regarda d’un air indigné.

— Je vais vous faire mettre au cachot, répliqua-t-il, voilà tout !

Otto se prit à sourire.

— Cela ne vous ramènerait pas vos deux autres captifs, dit-il ; tandis que si vous voulez entendre la raison, vos deux captifs vous seront restitués… Je vous parle sérieusement, maître Blasius ; vous savez bien qu’un fils de Bluthaupt n’a jamais su prononcer un mensonge.

— Je le sais, murmura l’ancien majordome ; mais quel coup, grand Dieu ! et comment s’attendre à cela ?

— Mes frères et moi, reprit Otto, dont la voix se fit triste, nous avons une lourde lâche à remplir en ce monde… Longtemps nous avons été pauvres, et la guerre sans or, c’est la défaite toujours… Maintenant que nous sommes riches, quelques semaines suffiront à l’œuvre que des années n’avaient pu accomplir… Si je fais un serment, Blasius, y croirez-vous ?

Le geôlier leva les yeux sur Otto et demeura un instant indécis.

— Oui, répondit-il enfin, car le sang qui coule dans vos veines est le sang de Bluthaupt.

— Eh bien, poursuivit le bâtard, je vous jure par le nom de mon père que Goëtz, Albert et moi, nous serons ici dans un mois, à dater de ce jour.

Le vieillard garda le silence.

— Si vous me refusez votre aide, continua encore Otto, je resterai sous les verrous ; car vous êtes prévenu désormais, et j’ai laissé tous les moyens d’évasion à mes frères… Mais ni Albert, ni Goëtz ne reviendront, et vous serez puni…

Blasius resta son front entre ses deux mains et demanda conseil à la cruche de grès.