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— Ah ! ah !… Et vous avez une lettre de Zachœus Nesmer ?…

— Je n’ai point de lettre, dit le courrier. — Maître Zachœus m’a seulement ordonné d’entrer dans votre maison, et de vous rapporter des paroles qu’il a prononcées… mais il faut que ce soit sans témoins.

Le chevalier haussa les épaules.

— Ces Allemands sont mystérieux comme les revenants de leurs ballades ! murmura-t-il. Approchez, mon brave, et dites-moi votre grand secret à l’oreille.

Le coiffeur s’éloigna de quelques pas ; Fritz s’avança, au contraire, et vint mettre sa bouche sous les faces pommadées du Français.

— L’heure est venue, murmura-t-il.

— Après ? dit Regnault.

— C’est tout.

Le chevalier éclata de rire.

— Que disais-je ! s’écria-t-il. — Voici un honnête compagnon qui m’invite à souper avec les mêmes précautions que s’il s’agissait d’un crime !… Grand merci, brave homme… Germain ! qu’on donne à boire à ce bon garçon, et qu’il s’en aille content.

Le chevalier rendit sa tête au coiffeur, et ce laconique message sembla ne lui avoir rien fait perdre de sa liberté d’esprit.

Fritz avala une cruche de vin du Rhin et s’avoua volontiers que les Français étaient de fort aimables cœurs.

Il n’eût pas mieux demandé que de doubler la dose, mais sa tâche n’était pas achevée. — Il sortit.

Le quartier neuf de Francfort et les environs des remparts semblaient lui être suffisamment connus. Il trouva aisément sa route le long des jardins délicieux qui ont remplacé les vieilles murailles abattues. — De toutes parts, sur son chemin, s’élevaient de petits hôtels modernes, attifés et fardés comme la demeure du chevalier de Regnault. — Au détour de quelque rue, son regard enfilait les grands quais qui bordent les deux rives du Mein. — Ailleurs, c’étaient des bosquets touffus, des parterres, des jets d’eau, des lacs, des ponts, des cascades, et tout cet attirail qu’on nomme un jardin anglais.

Au-dessus de la plupart des portes particulières et au fronton de tous