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— Assurément, maître Blasius.

— J’ai l’impériale de carreau… la chance est pour moi ce soir, et vous ne gagnerez pas une partie !… Trinquons un peu, meinherr Otto, s’il vous plaît.

Le bâtard tendit son verre, que Blasius choqua joyeusement.

— À notre jeu ! s’écria ce dernier, après avoir bu.

Puis il ajouta, en frappant sur ses cartes réunies en paquet :

— J’ai là de quoi vous faire voir du chemin !

Otto éclata de rire tout à coup, comme si son compagnon eût fait une excellente plaisanterie. Cet accès de gaieté se prolongea durant près d’une minute, si bien que maître Blasius dut se décider enfin à le partager.

Tandis qu’ils riaient ainsi tous les deux, le bruit de la chambre voisine avait changé de nature. C’était maintenant des secousses sourdes et répétées.

On eût dit qu’une main robuste et impatiente attaquait des barreaux de fer, sciés à demi.

L’hilarité d’Otto était véritablement venue bien à point. Sans elle, l’attention de maître Blasius n’aurait pu manquer d’être enfin excitée.

Quand le calme se rétablit entre les deux partners, le silence régnait dans la cellule voisine.

— En conscience, dit Blasius, vous êtes un gai camarade, meinherr Otto !… Je ne sais pas pourquoi j’ai ri ; mais j’ai ri de bon cœur… Démarquez votre point, je vous prie… Je joue carreau.

Le bâtard mena ce coup avec précision et sang-froid ; il trompa les manœuvres savantes de maître Blasiiis, et fit cartes égales, malgré l’infériorité de son jeu.

Il ne fallait plus que trois points au geôlier ; mais le coup suivant lui fut défavorable, et Otto marqua deux impériales à son tour.

Maître Blasius arrosa copieusement cet échec. Son front devenait pourpre sous les mèches blanchies de ses cheveux. Il s’animait de plus en plus, et il eût fallu quelque chose de bien grave pour distraire en ce moment son attention excitée.

Il n’entendit point la chute de deux corps tombant presque coup sur