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Le vieillard chancelait et murmurait :

— De l’or et un fils !… la belle nuit pour le sang de Bluthaupt !…

Sa main lâcha la colonne, et il tomba pesamment sur le plancher, qui retentit…

Gertraud s’élança pour le secourir ; elle ne trouva qu’une masse inerte et sans vie. — Alors une pensée rapide comme l’éclair traversa l’esprit de la jeune fille. Avant que les trois associés eussent songé à la retenir, elle se releva d’un bond et se pencha au-dessus de sa maîtresse immobile.

— Morte ! s’écria-t-elle en se rejetant en arrière, — morts tous les deux !…

Elle ouvrait la bouche pour crier au secours, lorsque l’intendant qui avait fait le tour du lit, la saisit rudement à bras le corps.

Van-Praët lui serra un mouchoir sur la bouche, tandis que Mira lui liait les pieds et les mains.

On la jeta ainsi dans l’embrasure où elle s’asseyait naguère auprès de Hans.

Puis les trois associés revinrent devant la cheminée.

— Le comte est mort de vieillesse, dit Mira ; la comtesse est morte en couches… jusqu’ici rien de mieux !… Il nous reste cette jeune fille et l’enfant.

— Quant à la jeune fille, répliqua Nesmer, — qui prendra souci de la disparition d’une servante ?

Gertraud entendait plus morte que vive ; elle ne faisait pas même d’efforts pour détacher ses liens.

— Et l’enfant ? répéta le docteur qui renversa dans les cendres le reste du breuvage de vie, et lava soigneusement le vase.

— L’enfant pourrait n’être pas né viable… insinua le bon Fabricius Van-Praët.

— Et si nous le laissons vivre, ajouta l’intendant, à quoi nous servira ce que nous avons fait ?

Le docteur hocha la tête. — Tandis qu’il se préparait à répondre, on entendit un bruit faible dans l’oratoire de la comtesse.

Les trois associés tressaillirent.

Gertraud ouvrit de grands yeux et retint son souffle, parce qu’elle pen-