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Le joyeux souper de l’intendant Zachœus avait pris fin. Vers trois heures après minuit, il quitta ses convives bien repus, et revint avec Van-Praët dans la chambre de la comtesse.

— Hans Dorn, mon ami, dit-il au page qui veillait toujours en compagnie de Gertraud, — allez vous reposer.

Hans voulut résister, parce qu’il voyait Gertraud pâlir et trembler à la pensée de rester seule ; mais l’intendant lui montra la porte d’un geste impérieux. Hans fut obligé d’obéir.

Les cris de la jeune femme s’élevaient en ce moment plus fréquents et plus forts. L’heure de la délivrance approchait.

Le docteur, qui n’avait point abandonné sa place auprès du foyer, jeta vers Gertraud un regard de défiance.

— Et cette petite fille ? dit-il en s’adressant à Nesmer.

L’intendant regarda Gertraud à son tour, puis il secoua la tête en fronçant le sourcil.

— Sa charge la retient ici, murmura-t-il ; on ne peut la renvoyer en un pareil moment sans s’exposer à mettre en émoi d’avance toute la livrée de Bluthaupt !

— Gardons-la, opina Van-Praët ; — elle ne nous gêne pas encore… et si elle nous gêne !…

Il n’acheva pas ; mais ses compagnons étaient habitués depuis longtemps à interpréter son débonnaire sourire.

Ils firent tous les deux un signe d’assentiment.

La jeune fille se rapetissait dans l’embrasure de la fenêtre et tâchait de deviner leurs paroles aux mouvements de leurs lèvres. Le cœur lui manquait. Elle pressentait vaguement quelque horrible malheur.

José Mira s’approcha du lit de la comtesse, et jugea enfin à propos de remplir son office de médecin. Il était temps, faut-il croire, car aussitôt qu’il eût examiné la malade, il se tourna précipitamment vers ses associés.

— Réveillez M. le comte, dit-il.

Van Praët secoua doucement le vieillard, qui ouvrit les yeux à demi.

— J’ai froid ! murmura-t-il ; ah ! c’est vous, Fabricius !… avons-nous fait de l’or ?…