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apparent. Seulement, aux pieds mêmes du cheval, la neige soulevée formait un imperceptible mamelon.

Otto tourna la tête de tous côtés pour s’orienter et savoir quelle distance le séparait désormais du schloss.

La route passait au pied d’une montagne dont le flanc nu s’était ouvert à cet endroit même et gardait la trace d’un large éboulement. À droite, le vallon cultivé étendait au loin sa surface blanchâtre ; — à gauche, la rampe se dressait à pic et montrait à son sommet, immédiatement au-dessus de l’éboulement, une sorte de pont suspendu, chargé d’un rang de hauts mélèzes.

Entre ce pont et la montagne, l’orifice du trou laissait voir le ciel.

L’aspect de ce lieu était trop frappant pour qu’on put l’oublier, après l’avoir vu seulement une fois. — Otto reconnut la Hœlle de Bluthaupt…

Il mit pied à terre, pensant que son cheval était effrayé par quelque éboulement récent. Ses frères, qui arrivèrent à ce moment, l’imitèrent.

Ils s’approchèrent tous les trois de l’endroit où le niveau de la neige s’exhaussait légèrement, et formait comme un petit monticule en travers de la route.

Otto se pencha et plongea sa main dans la neige molle.

Il se releva vivement.

— Il y a là un homme mort ! dit-il.

— Que Dieu ait son âme ! répliqua Goëtz. — Tirons nos chevaux par la bride et poursuivons notre route.

Otto savait bien qu’il n’était pas temps de s’arrêter ; mais une force inconnue clouait ses pieds au sol.

— Allez, dit-il, mon cheval est plus fort que les vôtres, et j’aurai bientôt regagné l’avance que vous prendrez.

— Notre sœur nous attend ! murmura Albert.

Otto s’agenouilla sans répondre et balaya la neige avec ses mains.

Les deux autres frères se remirent en selle et continuèrent leur route.

La neige recouvrait, en effet, le cadavre d’un homme vêtu d’un manteau de voyage. Il était couché en travers de la route, et sa tête renversée reposait sur les flancs d’un cheval, mort également.