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trichiens, ni néfastes visages d’agents prussiens et bavarois. — Il n’y avait qu’un pauvre garçon, portant une livrée rouge, que la neige avait blanchie des pieds à la tête.

À cette vue, maître Elias Kopp retrouva soudainement sa fierté oubliée.

— Que voulez-vous ? dit-il avec rudesse.

— Je cherche les trois fils du comte Ulrich de Bluthaupt, répondit le nouveau venu, qui attacha son cheval aux barreaux de l’une des fenêtres.

— Il y a du temps que ceux-là ont quitté Heidelberg ! s’écria maître Kopp, — et s’ils courent encore depuis qu’on les a vus à l’Arbre Verdoyant, vous aurez de la peine à les rejoindre, mon brave homme !

Otto, qui était resté à l’autre bout de la salle, n’entendait point cette conversation.

— Quelque rouerie d’espion ! grommela Diétrich.

— Fermez la porte, Elias ! ajouta Michaël.

Maître Kopp se mit en devoir d’obéir, mais le valet, qui était robuste, repoussa aisément l’arbiter elegantiarum, et fit un ou deux pas en dedans du seuil.

— Vous n’aurez pas besoin de vos épées contre moi, mes jeunes maîtres, dit-il ; — je suis sans armes… et les fils du comte Ulrich payeraient bien cher le message que je porte !

— Je connais cette voix ! dit Goëtz, qui était le plus rapproché des trois frères.

Le nouveau venu tourna vivement la tête de son côté et distingua son manteau rouge à travers le nuage de fumée.

— Ils sont ici ! s’écria-t-il, que Dieu soit loué ! Jeunes gens, laissez-moi approcher des fils de mon maître… Je leur apporte un message où il s’agit de vie et de mort.

Le poëte et ses compagnons hésitaient encore, nourris qu’ils étaient dans la défiance des ruses de la police ; mais les trois frères qui avaient reconnu la voix de Klaus, le chasseur de Bluthaupt, s’élancèrent à la fois et l’entourèrent.

— Tu viens du schloss ? demanda Otto.

Le chasseur, au lieu de répondre, tira de son sein une lettre qu’il lui remit.