Page:Féval - Le Bossu (1857) vol 1-3.djvu/491

Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
LE BOSSU.

êtes bonne encore plus que fière. — Et puis, je vous aimerai si bien ! Est-ce que mes caresses vous laisseront le temps d’être sévère !…

» J’étais donc une demoiselle. On me servait. Le petit Jean-Marie pouvait passer pour mon page. La vieille Françoise me tenait fidèle compagnie. — J’étais bien moins seule qu’autrefois ; j’étais bien loin d’être aussi heureuse.

» Mon ami avait changé ; ses manières n’étaient plus les mêmes. Je le trouvais froid toujours et parfois bien triste. Il semblait qu’il y eût désormais une barrière entre nous.

» Je vous l’ai dit, ma mère, une explication avec Henri était chose impossible. Henri garde mon secret même vis-à-vis de moi.

» Je devinais bien qu’il souffrait et qu’il se consolait par le travail. De tous côtés, on venait solliciter son aide. L’aisance était chez nous, presque le luxe. Les armuriers de Madrid mettaient en quelque sorte le Cincelador aux enchères.

» Medina-Sidonia, le favori de Philippe V, avait dit : J’ai trois épées ; la première est d’or, je la donnerais à mon ami ; la seconde est ornée de diamants, je la donnerais à ma maîtresse ; la troisième est d’acier bruni, mais el Cincelador l’a taillée : je ne la donnerais qu’au roi !