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LE BOSSU.

sec, Henri n’avait rien rapporté pour mettre dans nos assiettes de bois.

» J’étais trop petite assurément pour comprendre toute la portée de cette scène. Cependant, elle m’avait frappée vivement. J’ai pensé longtemps à ce regard que mon ami Henri avait jeté à l’or des deux hidalgos de Navarre.

» Quant au nom de Lagardère, mon âge encore et la solitude où j’avais vécu m’empêchaient de connaître l’étrange renommée qui le suivait. Mais ce nom eut au dedans de moi comme un retentissement sonore. — J’écoutais une fanfare de guerre ; — je me souvins de l’effroi de mes ravisseurs, lorsque mon ami Henri leur avait jeté ce nom à la face, lui seul contre eux tous.

» Plus tard, j’appris ce que c’était que le chevalier Henri de Lagardère. J’en fus triste. Son épée avait joué avec la vie des hommes ; son caprice avait joué avec le cœur des femmes.

» J’en fus triste, bien triste ! — Mais cela m’empêcha-t-il de l’aimer ?

» Mère chérie, je ne sais rien du monde. Peut-être les autres jeunes filles sont-elles faites autrement que moi. — Je l’aimais davantage quand je sus combien il avait péché.

» Il me sembla qu’il avait besoin de mes