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LE BOSSU.

Il n’y avait point de tarif. Ésope II, à l’exemple de son modèle, recevait tout, excepté la monnaie de cuivre. — Mais connaissait-on le cuivre, rue Quincampoix ?

Le cuivre, en ce temps bienheureux, ne servait plus qu’à faire du vert-de-gris pour empoisonner les oncles riches.

Ésope II était là depuis dix heures du matin. Vers une heure après midi, il appela un des nombreux marchands de viande froide qui allaient et venaient dans cette foire au papier. Il acheta un bon pain à la croûte dorée, une poularde qui faisait plaisir à voir et une bouteille de Chambertin.

Que voulez-vous ! Il voyait que le métier marchait. — Son devancier n’aurait pas fait cela.

Ésope II s’assit sur son petit banc, étala ses vivres sur son coffre et dîna magistralement à la face des spectateurs qui attendaient son bon plaisir.

Les pupitres vivants ont ce désavantage : c’est qu’ils dînent.

Mais voyez l’engouement ! on fit queue à la porte de la niche et personne ne s’avisa d’emprunter le grand dos de la Baleine. Le géant, obligé de boire à crédit, buvait double. Il poussait des rugissements, et Médor, son affidé, grinçait des dents avec rage.