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LE BOSSU.

— Moi, je bois aussi honnêtement qu’autrefois !

Ils se regardèrent dans le blanc des yeux.

— Dites donc, maître Cocardasse, prononça Passepoil avec regret, ça ne vous a pas embelli, les années !

— Franchement, mon vieux Passepoil, riposta le Gascon, je suis fâché de t’avouer cela, mais tu es encore plus laid qu’autrefois. Eh donc !

Frère Passepoil eut un sourire d’orgueilleuse modestie et murmura :

— Ce n’est pas l’avis de ces dames ! — Mais, reprit-il, en vieillissant, tu as gardé tes belles allures : toujours la jambe bien tendue, la poitrine en avant, les épaules effacées, et tout à l’heure, en t’apercevant, je me disais à part moi : « Jarnibleu ! voilà un gentilhomme de grande mine… »

— Comme moi, comme moi, ma caillou ! interrompit Cocardasse. Aussitôt que je t’ai vu, j’ai pensé : « Oïmé ! que voilà un cavalier qui a une galante tournure ! »

— Que veux-tu ! fit le Normand en minaudant, la fréquentation du beau sexe, ça ne se perd jamais tout à fait.

— Ah çà ! que diable es-tu devenu, mon bon, depuis l’affaire ?