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la maison… Oh ! mais un cri comme jamais en sa vie n’en avait entendu M. Quik… un cri de douleur, de douleur atroce, peut-être aussi de rage !

Cette fois, le policier sauta hors de son lit… ce fut plus fort que lui… car l’atroce cri avait surgi juste au-dessous du lit à colonnes torses et à dentelles fines. Qu’y avait-il donc sous ce lit ?

Piqué par une intense frayeur, M. Quik chercha à tâtons les chaînettes du lustre. Mais avec des mouvements malhabiles, des mains très tremblantes, il ne put rien saisir que des dentelles, des tissus quelconques, des draps, des oreillers… les colonnes du lit semblaient avoir fondu.

Il s’arrêta, tout à fait figé, lorsqu’il entendit, comme tout derrière sa porte, un ricanement sourd.

Le policier chancela, se retint au bord du lit un moment, posa une main sur son cœur qui voulait éclater, puis chercha sous l’oreiller son revolver.

Il demeura ensuite comme statufié, écoutant toujours, dans l’effrayant silence qui suivit.

Non, plus un bruit nulle part, plus un souffle, la maison tout entière s’était plongée comme en un silence de tombeau. M. Quik ne percevait que les battements de son cœur, les sifflements de sa respiration, que les gouttelettes de sueur qui de son front tombaient une à une sur le parquet de la chambre.

Mais M. Quik était brave ! Il le disait du moins ! Il se disait encore qu’il en avait vu et entendu bien d’autres ! Il eut raison de se dire et se redire ces choses, car il finit par se maîtriser, par dompter son système nerveux, et parut devenir très fort, très courageux, lorsqu’il eut réussi à assujettir dans sa main droite son revolver à six bonnes balles. Il fit quelques pas — mal assurés, c’est vrai — dans l’obscurité de sa chambre vers le canapé sur lequel il avait déposé son pantalon. M. Quik venait de prendre une résolution — résolution digne d’éloge —