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peut-être impuissant, mais un seul nom, même prononcé à voix très basse, murmuré à l’oreille, pourrait les réveiller.

— Oh ! Oui, Lina… un nom d’amour, c’est un souffle qui pénètre jusqu’à l’âme. Je le sais bien !

— En ce cas, taisons-nous !

— À propos, Lina, quand auront lieu les épousailles de vos sœurs ?

— Je n’en sais rien. Mais ces lettres pourraient fort bien apporter un avis officiel. Et la jeune femme se mit à rire.

— Ah ! vous savez, Lina… je veux en être informé pas mal à l’avance, afin que je puisse avoir tout le temps de choisir les cadeaux que je désire leur présenter en ce beau jour.

— Oh ! vous le saurez à temps, n’en doutez pas.

— Il n’y a pas d’autres lettres ?

— Presque rien… quelques lettres d’affaires, je pense. Ah ! tenez, en voici une de Québec, du Château-Frontenac. Elle m’a l’air d’avoir un cachet personnel.

— Ouvrez, chère amie, vous savez bien qu’il n’y a pas et ne peut y avoir de secrets entre nous !

La jeune femme obéit. Elle retira une petite feuille de papier sur laquelle s’étendait une écriture fine et allongée.

— Lisez, chère amie, commanda le docteur.

La jeune femme lut :

« Mon cher oncle ».

« Douze années de séparation ! Je vous cherche et vous pense à Québec, j’arrive et l’on m’informe que vous êtes à Montréal. Alors, mon désespoir… Je pars de New-York avec cette information : « Votre oncle ? Le docteur Jacobson ? »… Mais il est établi en la ville de Québec » !… À Québec, néant de l’oncle Jacobson !… Je m’informe encore, toujours, sans cesse : « Votre oncle ? Le Docteur Jacobson ? »… Mais il est établi à Montréal » !… Eh bien ! je doute naturellement de la véracité de