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— Monsieur le docteur, il faut à tout prix en venir à une entente entre nous. Laissez-moi vivre avec la bonne opinion que j’ai eue auparavant de vous. Si un moment cette opinion s’est modifiée, si elle n’est pas tout aussi pure, c’est à vous de faire en sorte qu’elle se purifie. Je voudrais donc compter sur votre intelligence, votre esprit de justice, votre galanterie même pour abandonner, pour oublier vos projets condamnables contre la personne dont j’ai la cause en mains.

— Vous voulez parler de Jules Marion ? fit enfin le docteur de sa voix sardonique.

À cette minute même une silhouette humaine s’arrêta à deux pas de nos personnages.

Et la voix sonore de Jules Marion retentit… Jules Marion survenant comme dans un rêve :

— Qui donc parle de moi ici ?

Violette pâlit et chancela.

Jules Marion !…

Mais une joie soudaine la fit tressaillir : Jules était là… il pourrait prévenir les violences du docteur !

Mais cette joie ne dura pas ; la pensée suivante brûla son esprit :

Qu’allait dire ou penser le jeune homme en la trouvant, elle, Violette, après huit heures du soir, dans un quartier perdu de la ville ; seule en compagnie d’un homme inconnu ; et cet homme, autant que Jules pourrait le remarquer, était jeune et de bonne tournure ?… Oui, qu’allait-il penser d’elle ?… Cette idée l’épouvanta. Déjà elle regretta l’apparition de Jules ; déjà, tout au tréfonds d’elle-même elle eut choisi les violences du docteur plutôt que de subir le mépris de celui qu’elle aimait !

Quant au docteur, par un mouvement de surprise il s’était reculé de quelques pas, et alors les rayons d’une lampe électrique avait mis assez de lumière sur sa face blême pour qu’il fût possible à Jules d’en graver l’image dans son souvenir.

À l’homme qu’il ne connaissait pas Jules Marion ne jeta qu’un coup d’œil indifférent ; mais devant la silhouette d’une femme qu’il ne pouvait encore reconnaître il s’inclina respectueusement et dit :

— Pardonnez-moi, madame, de m’introduire en intrus dans votre conversation. Mais du moment que mon nom est prononcé, il m’est permis, il me semble, de m’informer des gens qui le prononcent.

Dans la crainte d’être reconnue, Violette s’était reculée dans l’ombre du docteur. Mais lui, voulant mettre fin à une scène qui le mettait mal à l’aise, s’avança tout à coup vers Jules, disant :

— Monsieur, c’est peut-être une ressemblance