Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/83

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Seulement, elle vit qu’elle était seule avec le docteur et qu’elle pouvait parler sans crainte d’être entendue par des oreilles indiscrètes et malveillantes. Pas un passant pour gêner…

Et alors d’une voix ferme elle dit à Randall, qui la couvrait audacieusement de ses regards de lynx :

— Docteur, vous savez très bien que j’ai surpris entre mon père et vous certaine conversation dont je ne veux pas rappeler les détails. Or, c’est cette conversation qui m’a décidée à entreprendre la démarche qui semble vous étonner.

Le Docteur fit entendre un léger ricanement.

— Mademoiselle Violette, dit-il sur un ton qui parut sarcastique à l’oreille de la jeune fille, je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire par cette conversation surprise, dites-vous, entre votre père et moi.

Violette frémit et l’indignation fit trembler sa voix :

— Si vous désirez explication et détails je suis prête à les donner.

— Non… je n’oserais, mademoiselle, vous demander ce trouble.

— Cependant…

— Pardon, mademoiselle Violette ; mais je vous rappelle que vous avez été très… très malade, et que…

— Allez-vous tenter de me faire croire, interrompit rudement Violette que la colère saisissait, qu’une malheureuse défaillance, une faiblesse passagère a pu être la cause d’un rêve ?

— Parfaitement, mademoiselle, c’est ce que j’allais expliquer, affirma tranquillement Randall.

— Monsieur, s’écria Violette avec impatience, ne cherchez pas à m’abuser. Je n’ai pas rêvé, non, non ! Je sais que vous avez bâti de sinistres projets contre la vie d’une personne qui m’est chère. Je sais que vous voulez entraîner mon père dans l’exécution de vos desseins pervers. Et je suis venue vous dire que votre œuvre est dangereuse. Docteur, vous vous attaquez à une personne qui ne vous connait pas. J’ai envers cette personne des obligations morales, et je pense qu’il est de mon premier devoir de protéger sa vie. Et cette vie, je vous le déclare en toute franchise, je suis prête à tout risque pour la protéger, dussé-je me brouiller avec mon père pour toujours. Vous voyez que je n’y vais pas par les chemins détournés. Aussi, vais-je me permettre de vous donner un conseil : si vous poursuivez le cours des projets que vous méditez, regardez plus loin et voyez où vos dessins perfides peuvent sous conduire ! Est-ce clair ?

— C’est trop clair ! ricana le docteur.

Violette bondit… mais elle se calma aussitôt. Son indignation faisait place à la stupeur devant la pose sardonique de Randall. Elle songea