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— Alors c’est bien ici que demeure le docteur Randall ?

— Oui mademoiselle… Si vous voulez vous donner la peine d’entrer ?…

— Auparavant, voulez-vous me dire si le docteur est chez lui ?

— Il est sorti ; mais il ne peut tarder à rentrer. Ses heures de consultations sont de huit à dix tous les soirs, il n’y manque jamais. Si donc, vous voulez attendre un petit quart d’heure…

— Merci, madame. Je reviendrai un peu plus tard. Précisément j’ai à faire dans le voisinage quelques courses qui me prendront bien un quart d’heure.

La grosse femme hocha la tête comme pour exprimer : « Enfin, c’est votre affaire ! »… et Violette s’éloigna un peu contrariée.

Elle partit à l’aventure, car elle n’avait pas de courses à faire. Elle avait trouvé ce prétexte pour ne pas rester mêlée à ces gens dont les regards curieux et les demi-sourires lui disaient peu de chose. Et elle ne pouvait s’empêcher de penser que le docteur Randall, avec ces gens-là, se trouvait tout à fait dans son cadre.

Violette s’en allait, très absorbée dans ses pensées, sans tenir compte de la marche du temps.

Elle avait tourné sur une avenue, dont elle n’eût pu dire le nom, et marchait d’un pas hâtif. Elle ne remarquait pas que les maisons devenaient plus éparses et les passants plus rares. Elle ne semblait pas s’apercevoir non plus que la nuit était venue, une nuit de grande ville qu’illumine çà et là une lampe électrique. Oui, Violette marchait en songe. Et Dieu sait où elle serait allée, si, tout à coup, une voix dont le son la fit tressaillir violemment.

— Ah ! mademoiselle Violette… je vous rejoins enfin !

Devant la jeune fille toute saisie le docteur Randall se découvrait respectueusement.

Et il ajoutait aussitôt pour expliquer ses premières paroles :

— Tout à l’heure, en rentrant chez moi, on m’a appris qu’une jeune femme… une demoiselle peut-être… m’avait demandé. Par la description qu’on me fit de la jeune dame je crus vous reconnaître… Alors, impatient de savoir le motif d’une visite si inattendue, je partis de suite après vous dans la direction qu’on vous vit prendre. Ah ! mademoiselle Violette, s’écria le docteur avec un accent qu’on pouvait penser sincère, vous ne pourrez jamais vous imaginer tout le plaisir que cette visite m’a causé. Vraiment — dois-je vous le dire ? — après votre conduite inexplicable à mon égard, je me demande encore si je ne fais pas un rêve prodigieux que les premières clartés du jour prochain dissiperont à tout jamais !