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mait davantage, et surtout depuis ce soir terrible où Jules avait voulu briser leurs amours. Mais si, de fait, elle aimait davantage, c’est parce qu’elle se sentait aimée encore ; et pour se défendre de tout doute elle ne cessait de se dire que la conduite de Jules, ce soir-là, avait été dictée par les obligations d’un devoir qui s’impose. Non ! des amours comme les leurs ne peuvent périr ! Ces amours vivent dans les obstacles, au sein des luttes les plus âpres !

Non, Violette ne pouvait blâmer la conduite de Jules ; elle ne pouvait s’en prendre qu’à un concours de circonstances imprévues qui étaient venues effacer des rêves prodigieux ! Mais ces rêves effacés ne l’empêcheraient pas, elle Violette, de déjouer, si cela était possible, les machinations du docteur Randall.

Et voyant le docteur s’éloigner avec son sourire de mauvais augure, la jeune fille se disait avec une détermination presque farouche :

— J’aurai l’œil sur cet homme ! Il compte, par la disparition de Jules, arriver jusqu’à moi, jusqu’à la fortune de mon père. Ah ! comme il se trompe ! Comme il renoncerait vite à ses projets et à ses rêves, s’il pouvait fouiller ma pensée.

Mais avec ces pensées l’épouvante naissait chez la jeune fille, et cette épouvante était la conséquence de ces paroles tout bas murmurées :

— Oh ! mais, si Randall connaissait toute ma pensée par rapport à lui, quels nouveaux projets de vengeances alors ne méditerait-il pas contre moi et Jules ? Oh ! cet homme… cet homme… comme je finis par en avoir peur ! Car je le devine un coquin dangereux capable d’aller à toutes les extrémités ! Je le pense capable, cet homme cupide, de toutes les audaces et de toutes les haines ! N’a-t-il pas déjà proposé à mon père la mort de Jules ? N’est-ce pas là une audace et une astuce qui feraient frémir les plus forts ? Et mon père… oui, mon père qui a écouté la voix funèbre de cet homme ! Je sais bien que ce pauvre père est un peu vif et rancunier, et je sais que dans un moment d’exaspération il pourra prononcer des paroles qu’il regrettera bientôt ! Mais de là à porter une main criminelle sur autrui ?… Non, non, cela ne se peut pas ! Et j’ai peur quand même, oui, j’ai peur, parce que j’entrevois l’ombre néfaste de l’homme au cerveau machiavélique, le docteur Randall qui souffle au cœur de mon père tout le fiel dont il a l’âme pétrie ! Oh ! je veillerai… oui, je veillerai !

Pauvre fille ! bien qu’elle n’eût pas voulu associer son père — son père qu’il ne lui appartenait pas de juger — aux projets homicides élaborés par Randall, un doute l’inquiétait. Sans ce Randall elle eut été rassurée. Mais cet homme-là était un danger, et c’est à ce danger qu’elle devait faire face de suite. Mais que faire ?