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nerre s’apaisa comme un évanouissement.

Toutes les têtes se détournèrent du côté de la voix qui avait retenti à l’arrière de la salle, et tous les regards se posèrent avec étonnement sur Jules Marion superbe dans son uniforme militaire. L’abbé Marcotte et quelques officiers de la milice canadienne accompagnaient le jeune homme.

Sur toutes les lèvres le nom de Jules roula avec une stupeur indéfinissable.

Jules Marion en kaki.

C’était inimaginable et prodigieux !

Raoul Constant avait sauté en bas de l’estrade et couru à la rencontre de son ami.

— Tu n’es pas sérieux ? s’écria-t-il en serrant les deux mains de Jules. C’est une mascarade n’est-ce pas ?

— Mon cher ami, répondit le jeune homme en souriant, je suis soldat depuis quinze jours, et la mascarade aura lieu là-bas sur le front de bataille, sous le feu des Allemands.

— C’est incroyable ! déclara Constant abasourdi.

— Pourquoi ?

— Tu le demandes ? après ce vilain tour d’anglais…

— Eh bien ! répliqua Jules en riant, c’est une manière à moi de leur jouer un autre tour !

— Je ne comprends pas…

— Tout à l’heure, j’espère, tu comprendras. Attendons.

Pendant ce court colloque une foule de membres du Cercle, très curieux, s’étaient groupés autour des nouveaux venus. Comme tout le monde ne pouvait interroger personnellement Marion, les questions de tous genres affluaient vers l’abbé et les officiers de milice.

Quelques voix prononcèrent ces paroles :

— Nous le savions, mais nous ne pouvions le croire !

Alors ces paroles de l’abbé Marcotte furent entendues :

— Il fait son devoir !

— Son devoir ? clama une voix forte et indignée. La race anglaise outrage la race française du Canada, est-ce le devoir de celle-ci de s’enrégimenter sous les drapeaux militaires de celle-là ?

— Oui répondit fièrement et bravement Jules Marion dans le silence qui s’était fait, oui, c’est son devoir dans les circonstances actuelles et aux heures terribles que nous traversons !

— Prouve-le donc ! cria une autre voix.

— Je suis venu pour cela, sourit Jules.

Un cri général retentit.

— Sur l’estrade, Marion !

Le jeune homme ne se le fit pas répéter.

— Mes amis, dit-il pour commencer, je n’ai nullement l’intention de vous faire un discours.