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son devoir, sans avoir des raisons très graves, de force majeure comme dirait votre lettre. Oui, j’eusse pu vous demander tout au moins l’explication de ces raisons de force majeure. Si je ne l’ai pas fait, c’est parce que j’ai compris que j’avais été l’objet de calomnies qu’il importait avant tout de dissiper. Or, pour mieux faire taire les calomniateurs, j’ai pris ce moyen.

— Quel moyen ? demanda Harold méprisant.

— Cet uniforme, monsieur.

— Cet uniforme ? Mais vous le souillez, misérable ! Cet uniforme est pour vous un travestissement. Je ne sais pas au juste dans quel but ni pour quel motif vous le portez, mais je devine que c’est pour mieux accomplir quelques sombres et honteux projets. Comment un traître à l’Empire peut-il vêtir la tunique de nos soldats, si ce n’est pour mieux cacher ses affreux desseins ? Non, je ne vous crois pas, quand vous me dites que vous allez défendre l’Empire. Un homme qui se rebelle contre l’autorité après l’avoir critiqué calomniée et bafouée, ne peut être, du jour au lendemain, le serviteur fidèle, le vaillant défenseur de cette autorité. Non, je ne vous crois pas. J’aurais pu croire un honnête homme, mais vous…

— Ah ! je comprends bien, monsieur que la calomnie a fait son œuvre !

— Surtout, jeune homme, je vous recommande de n’accuser personne. Jetez le blâme que sur vous-même. Ne vous en prenez qu’à vos actes.

— Mes actes ? fit Jules avec une surprise profonde.

— Oui, répliqua durement Harold. Un honnête homme n’eut pas cherché à compromettre l’honneur d’une jeune fille de bonne maison et de haute respectabilité.

— Ah !… j’ai compromis votre fille ! murmura Jules de plus en plus surpris.

— Vous le demandez, malheureux ? rugit Harold en déposant Violette dans un fauteuil. Vous devenez impertinent tout à fait. Oserez-vous nier les lettres brûlantes que vous avez écrites à ma fille ?

— Monsieur, protesta Jules en rougissant malgré lui, j’aimais Violette d’honnête et sincère amour, et je vous jure que ces lettres étaient très réservées et très respectueuses. Pour qualifier mes lettres de brûlantes, je vois bien que vous ne les avez pas lues.

— Vous ne nierez pas non plus, poursuivit Harold s’exaltant, que vous l’avez attiré à des rendez-vous dangereux. Savez-vous que vous avez agi avec une légèreté impardonnable, ou bien avec une imprudence stupéfiante ?

— Vous vous trompez encore et m’injuriez injustement ! protesta Jules plus hautement.

— Je sais ce que je dis, répartit Harold d’une voix cassante. Vous prétendez vous excuser en