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domestique avait laissée entre-baillée, pencha légèrement sa tête et écouta.

Voici les paroles que prononçait à voix basse le docteur :

— Mon cher ami, ma conduite peut vous paraître étrange, et la nouvelle très grave qu’il me reste à vous apprendre pourra peut-être susciter votre indignation. Mais je me suis persuadé, avant d’en venir à vous parler ainsi, qu’il s’agissait pour moi d’un devoir à remplir, et qu’à titre de médecin et d’ami de la maison, il m’incombait de sauvegarder votre honorabilité et celle de mademoiselle Violette.

— Que peut-il vous rester de si terrible à m’apprendre ? demanda Spalding alarmé.

— Ce fait : votre fille se compromet avec ce Jules Marion !

Harold Spalding se dressa d’un bond, le regard flamboyant, la face empourprée d’un rouge ardent.

Il fit deux pas en avant, et le buste incliné la voix sourde et pleine de fureur concentrée :

— Docteur, bégaya-t-il, ce que vous me dites là sur le compte de ma fille est très grave, songez-y ! Prenez garde de vous aventurer dans des accusations qui ne soient basées sur des faits précis, vus et entendus !

— Vus et entendus, comme vous dites ces faits le sont, répliqua Randall, très calme et souriant.

— Ah ! s’écria Harold avec désespoir en retombant dans son fauteuil, vous voulez donc me tuer !

— Au contraire. Je veux que vous viviez, longtemps même, pour sauver votre fille du gouffre vers lequel elle marche à son insu.

— Pourtant, s’écria Harold avec violence, il faut me prouver de quelle façon ma fille se compromet.

— J’attendais que vous me le demandiez. Écoutez donc.

Cramponnée au cadre de la porte, livide et frissonnante, faisant de suprêmes efforts pour ne pas tomber, Violette écoutait, torturée, les paroles mensongères du docteur Randall.

Et lui, poursuivait toujours, tranquillement avec cette tranquillité des coquins passés maîtres dans l’art de la coquinerie :

— Quand je vous ai dit et affirmés tout à l’heure que Jules Marion et votre fille s’aiment, vous n’avez pas semblé me croire. Vous n’avez pas même paru ajouter foi aux offrandes de fleurs périodiques et matinales de Violette, à ces fleurs qu’elle allait déposer sur le pupitre du maître d’école. Peut-être ne croirez-vous pas non plus que Violette et Marion se donnent des rendez-vous d’amour, le soir passé