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avait vu la jeune fille, toujours soigneusement voilée, se diriger vers l’école avec un bouquet de fleurs. De sa sacoche elle tirait une clef, ouvrait la porte, pénétrait dans l’école, et ressortait quelques minutes plus tard… mais sans le bouquet de fleurs.

— Bien, bien, pensait Randall, nous savons maintenant à qui sont destinées ces offrandes fleuries. Nous nous souviendrons de cela, mademoiselle ! concluait-il en regagnant son logis.

Or, Randall s’était promis de se venger des dédains de Violette, en attendant qu’il arrangeât ses ficelles pour en faire sa femme. Sans rien dire des amours de Violette qu’il avait surprises, il s’était aussitôt acharné sur le compte du maître d’école. Car de suite la jalousie l’avait vivement écorché, et il se sentait haïr de plus en plus l’heureux élu de cette fille à millions.

Toutes les médisances et les calomnies qu’il avait pu imaginer, il les avait débitées au président de la Commission Spéciale des écoles. Et Harold, qui estimait très fort le docteur Randall — estime que nous ne saurions expliquer — avait reçu ces dires comme de l’argent comptant.

Et Violette, quand elle traitait de menteurs les « gens honorables » qui avaient formé l’opinion de son père sur le compte de Jules, visait à coup sûr le docteur Randall.

En peu de temps le dossier de Jules Marion s’était grossi énormément. Et la démission de l’instituteur avait été une première vengeance du docteur, dont l’imagination malsaine et perverse cherchait d’autres infamies.

Ce jour-là, il était en train de raconter bien des choses qui paraissaient tourmenter au plus haut degré l’esprit de Spalding. C’était à Jules Marion qu’il en voulait encore.

Or, le nom du maître d’école prononcé un peu trop haut fut entendu de Violette.

À ce nom elle tressaillit.

Ah ! comme elle l’aimait encore ce Jules… plus que jamais peut-être !

Oui, Randall venait de jeter le nom de Jules Marion dans une conversation qu’elle ne pouvait saisir, et dont elle se sentait très curieuse de connaître le sujet.

Elle interpella la femme de chambre qui s’était mise à rétablir l’ordre dans la chambre.

— Jane, dit-elle, je désire demeurer seule ; il me semble que je reposerai mieux.

La femme de chambre s’inclina et sortit.

La minute suivante, Violette était seule.

Alors, sans se soucier des ordres du docteur, elle se leva hâtivement.

Elle se sentit presque forte. Ah ! comme l’amour donne des forces !

Sans bruit elle s’approcha de la porte que la