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voix très basse, très tendre, lui murmura à l’oreille :

— Angèle, prends bien garde que maman entende tes pleurs ! Allons, du courage ! D’ailleurs, je reviendrai. Bah ! je sens que j’ai la vie dure. Et tu seras contente plus tard, tu seras fière de ton frère, et moi, je t’aimerai beaucoup !

Angèle essuya ses larmes et, avec un bon sourire, elle répliqua :

— Va, Jules, je ne veux nullement t’empêcher de faire ton devoir. Va, tranquille… j’aurai soin d’elle moi… et je prierai pour toi !

— Merci, Angèle, tu soulages mon esprit et mon cœur.

Et se penchant davantage le jeune homme embrassa longuement la pauvre fille.

Quand il se redressa il était transfiguré. Ses yeux s’illuminèrent de rapides éclairs et il pensa :

— Maintenant, je tiens ma meilleure revanche contre Harold Spalding !


VI

LE FILS DÉFEND SON PÈRE


La lettre de démission de Jules Marion avait amené un sourire de triomphe aux lèvres de Harold Spalding.

Mais, par contre, celle de l’abbé Marcotte lui arracha un juron de colère. Il s’écria avec un accent de haine farouche :

— Ah ! voilà que cet abbé s’en mêle maintenant !… Eh bien ! nous allons rire…

Et il s’était mis à arpenter son cabinet-bibliothèque à pas saccadés, les mains aux poches, la figure contractée par une fureur intense.

Depuis longtemps Harold haïssait l’abbé Marcotte, et longtemps il avait cherché dans son cerveau une vengeance qu’il aurait pu exercer impunément contre l’abbé. Mais il n’avait jamais rien trouvé.

Puis, peu à peu de ce prêtre qui lui paraissait invulnérable, il n’avait gardé qu’un souvenir de mépris.

Néanmoins, en chassant Jules Marion de l’école, c’était déjà une vengeance — indirecte, il est vrai, — qu’il accomplissait contre l’abbé ; et cela consolait assez la rancune du millionnaire.

Mais soudain, à l’heure où il se réjouissait en lui-même de son iniquité, l’abbé Marcotte se dressait devant lui avec un défi dont il demeurait, lui, Harold Spalding, tout estomaqué.

Ah ! cette fois il trouverait bien un moyen de se venger de la bonne façon ! Et ardemment son imagination se mit au travail, combinant, machinant…

Mais après de vains et multiples efforts et le front tout ruisselant de sueurs, il s’arrêta com-