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sublimes mères françaises, était prête — puisque c’était le devoir de son fils — elle était prête à se séparer de cet enfant sans murmurer !

Oh ! c’était un rude sacrifice qu’on lui demandait-là… Mais qu’importe ! puisqu’elle était française encore ! Puisqu’elle aimait tant la France… la France en danger surtout, la France envahie et piétinée par les hordes germaniques ! Et puisque, aussi, les mères de là-bas laissaient partir leurs fils pour la glorieuse bataille pourquoi, elle, retiendrait-elle le sien ? Le sien… qui irait se battre pour cette même France qu’elle chérissait, se battre pour prouver sa loyauté au drapeau Britannique, se battre pour reconquérir des droits que le sang français et le sang canadien avaient déjà conquis !

Et alors, malgré la longue et cruelle et peut-être éternelle séparation qu’elle entrevoyait ; malgré toutes les horreurs par où allait passer celui qui représentait, avec Angèle, tout ce qui lui restait de cher en ce monde ; oui, malgré tout cela, elle éprouva comme une joie fière, une joie orgueilleuse en se représentant son cher fils luttant pour sa patrie, sa religion, sa langue ! Et cette pauvre femme, déjà frappée par le destin en perdant sa vue, cette aveugle qui serait peut-être frappée au cœur plus tard, lorsque les bulletins de la guerre viendraient lui apprendre la mort de son cher Jules, — oui, cette pauvre femme, cette grande mère patriote, loyale et généreuse remerciait du fond de son cœur le bon Dieu de lui avoir donné un fils tel que le sien !

C’est un peu réconfortée par ces pensées que la vieille femme demanda :

— Mon cher enfant, il faut aussi savoir ce que pensera monsieur le curé Marcotte de ton projet. Lui en as-tu parlé ?

Pas encore, ma mère. Je n’ai pas voulu lui communiquer mes projets avant de vous avoir consultée. Mais je sais que, comme vous-même, il m’approuvera entièrement. L’abbé Marcotte est un homme généreux, vrai patriote, admirateur de la France aussi, et un homme qui comprend le devoir et l’exécute.

Puis, se tournant vers Angèle toujours renfrognée derrière les feuilles de son journal qu’elle ne lisait pas, le jeune homme demanda :

— Et toi, Angèle, j’espère que tu ne me déconseilles pas ?

— Moi ? fit-elle avec une feinte indifférence que démentait le tremblement de sa voix, ça ne me regarde pas. Je suppose que tu es maître de toi. Et puisque maman y consent…

La voix lui manqua subitement. Son sein se gonfla comme sous la pression d’un sanglot trop lourd et trop longtemps retenu, et elle pleura silencieusement.

Très ému, Jules s’approcha d’elle et d’une