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— J’ai voulu vous voir, Jules, pour vous dire que je suis bien désolée de ce qui arrive ! Pour vous dire que j’ai énergiquement plaidé votre cause et celle de vos compatriotes. Pour vous dire que je me suis ouvertement opposée à l’envoi de cette lettre que vous avez reçue. Pour vous dire aussi que j’ai failli me brouiller avec mon père…

— Vraiment ? interrompit Jules avec une légère ironie au coin des lèvres, vous avez fait tout cela pour moi ? Mais cette ironie qu’il destinait à Violette lui causa une plus vive douleur qu’à celle pour laquelle il sentait revivre à cette minute tout son amour.

— Oui, pour vous tout cela, Jules. Et je suis venue vous le dire pour conserver intacts nos bons rapports.

Et maintenant Violette laissait la tête ; elle demeurait si confuse, si anxieuse aussi de ce qu’allait répondre celui pour qui elle avait tout osé.

Et lui, Jules, fut sur le point de la saisir dans ses bras, de la serrer contre lui bien tendrement cette fille vaillante et généreuse.

Mais les paroles de l’abbé Marcotte revenant à sa mémoire, il dompta l’élan de son cœur qui se crispa de douleur atroce. Il lui fallait aller jusqu’au bout de son sacrifice, même si l’amour de Violette devait le tuer.

Il répondit avec une tendre mélancolie :

— Violette, je vous remercie bien sincèrement pour tout ce que vous avez pu faire et dire pour ma défense. Je vous garderai une éternelle reconnaissance. Je ne puis vous tenir responsable des actes de votre père ; ce serait insensé de ma part. D’ailleurs, je suis sous l’impression que votre père a agi sous le pouvoir d’une plus haute autorité. Je ne veux pas lui garder rancune. Seulement, quant à nous — ah ! il faut bien enfin nous le dire, Violette, — nous avons commis une erreur… Nos amours sont impossibles, nos rêves illusoires, et nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre : tout nous sépare, tout nous éloigne ! Que le passé ne soit plus qu’un souvenir… oublions !

— Oublier ! balbutia Violette avec un accent d’indéfinissable amertume. Ah ! Jules ne dites donc pas des choses que vous ne pensez pas ! Mais pour oublier il faudrait m’empêcher de penser, il faudrait m’ôter la mémoire du passé, tuer mon esprit, arracher mon cœur !… Oublier ! ah ! Jules ne dites pas que vous oublierez, que vous pourrez oublier, car alors je penserai que vous ne m’avez jamais aimée et que vous m’avez trompée ! Oh ! Jules, ne me laissez pas vivre avec une telle pensée, car alors je pourrai regretter d’avoir laissé mon cœur, mes fleurs…