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miration de tout un peuple ivre d’orgueil national !

Ils n’ont pas eu peut-être les honneurs du communiqué ? Qu’importe !… Ils ont mieux l’hommage sincère de leur race !


Fermant la marche triomphale, un spectacle de sublime beauté s’offre aux regards attendris.

Une chaise roulante suit lentement. Dans la chaise un jeune homme, aux traits blêmes encadrés d’une barbe noire bien taillée que rehausse la moustache aux pointes soigneusement affilées, porte haut, sa tête fière, tandis que ses lèvres sourient à la foule émue.

Ce jeune homme avec l’unique bras et l’unique jambe, qui lui restent, n’est plus qu’un pitoyable lambeau. Ses yeux, qu’on devine éteints à la lumière du jour, sont couverts d’un bandeau de soie noire ; c’est le seul aveugle — le premier peut-être — qui revient dans sa patrie.

Et cet aveugle, c’est le lieutenant Marion.

Poussant la chaise, tandis qu’un sourire de triomphe illumine sa physionomie un peu fatiguée, la capitale reconnaît avec une profonde surprise le riche Harold Spalding. Oui, le millionnaire pousse le glorieux véhicule dans lequel se dresse, beau, superbe et héroïque celui qui avait été sa victime.

Mais plus sublime encore et plus touchant tableau, c’est cette jeune fille portant le costume des infirmières de la Croix-rouge, marchant à la droite de la chaise roulante et tenant dans sa main fine et blanche l’unique main du glorieux mutilé.

Ah ! jamais comme à cette heure Violette n’avait été plus belle sous sa cornette blanche, — plus ravissante dans sa candeur et son triomphe, — plus exquise dans l’attendrissement de ses yeux bleu-de-ciel qui s’abaissaient de temps à autre sur le cher, l’adoré, le plus aimé que jamais !

Et à la gauche de la chaise, droit et majestueux, rajeuni même, marche le grand et vénérable prêtre : l’abbé Marcotte.

Enfin formant l’arrière-garde de cette troupe immortelle, vient l’ami Pascal, titubant sous les éclats des fanfares qui le suivent et l’assourdissent, remerciant, avec force sourires, la foule qui acclame nos héros, sautillant, jubilant et murmurant :

— Cré gué !… que j’suis content !…

Maintenant sous un immense arc de triomphe, la chaise roulante passe très lentement ; et alors une puissante clameur s’élève, des applaudissements frénétiques éclatent de toutes parts, et la foule, saisie d’une pieuse émotion s’incline, se prosterne…

Puis, sur le groupe de nos héros tombent des