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sa voix, se redressa tout à coup devant l’ennemi et sa physionomie tout entière revêtit une expression de froide et solennelle gravité.

Puis, par un prodige d’équilibre, le lieutenant abandonna le dossier du fauteuil, et sa main droite s’éleva lentement pour indiquer le lit sur lequel reposait Violette inanimée.

Troublé, confus, Harold baissa la tête.

Puis, comme s’il eût été attiré ou poussé par une force inconnue et irrésistible il se précipita vers Jules Marion, et, tombant à genoux, il murmura ce mot :

— Pardon !

— Vous êtes pardonné monsieur, répondit la voix grave du blessé. Mais sauvez Violette, s’il n’est pas trop tard !

Harold se dressa d’un bond, saisit la main toujours tendue du jeune homme, et, serrant cette main avec force il dit :

— Merci !… je ne peux méconnaitre davantage votre générosité ; vous pouvez me croire de toute votre âme, car c’est un père qui vous le dit.

— Je vous crois, monsieur !

Alors, Harold s’approcha de Violette que l’abbé tentait de ranimer. Et la scène qui suivit fut vraiment touchante dans sa simplicité.

Harold Spalding — mais ce n’était plus l’impudent millionnaire avec son fougueux tempérament, — ce n’était plus ce viveur accoutumé depuis quelques semaines aux caresses des filles de joie ! Non !… c’était un nouveau Harold, et cet Harold-là venait d’enlever, bien délicatement, bien tendrement sa fille dans ses bras. Il couvrait la figure défaite de la jeune fille de baisers ardents et disait d’une voix tendre, angoissée, — d’une voix que Violette elle-même n’eût pas reconnue :

— Quoi ! ma petite Violette tu ne vas pas mourir ainsi, sans avoir dit au moins un mot de pardon à ton père repentant ? Quoi ! tu vas pour toujours le quitter, lui ton adoré qui te contemple, sourit et pleure ?… Tu veux donc le quitter sans lui dire une parole d’adieu ?… Et ce bon abbé, qui fut un père pour toi qui n’avais plus de père, tu ne le remercieras pas d’avoir sauvé ce père que tu avais perdu… ce père qui, dans un moment de folie, t’avait abandonnée !… Violette, ma fille adorée, regarde-moi !… reconnais ton malheureux père qui vient te dire : Sois à lui… sois à Jules !… Car je te le redis j’ai été fou, Violette !… Oui… vois-tu ça si j’étais stupide ?… J’avais pensé qu’on pouvait empêcher un cœur d’aimer ! Je croyais que l’amour n’était qu’un feu de joie sur lequel, pour l’éteindre tout d’un coup il suffit de jeter un peu d’eau. Mais moi, pensant jeter de l’eau sur ce feu d’amour, j’y jetais de l’huile ! Ah ! mais, c’est que je suis content à cette heure que ce feu brûle encore… toujours ! Oui,