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de vie — oh ! rien qu’un souffle — de cette poitrine qu’il lui avait semblé voir palpiter tout à l’heure, quand, à deux genoux et mains jointes, Violette implorait l’abbé.

Mais rien !… Pas un souffle… pas un bruit… ni au dedans ni au dehors !

Au dedans, on n’entendait plus le va-et-vient de Pascal qui, comme à l’ordinaire, une fois son « Ménage » fait et sa « cuisine » à l’ordre, allumait sa pipe, descendait à pas furtifs dans la rue, et allait comme un honnête bourgeois faire sa digestion sur les boulevards. Donc, ce soir là, Pascal, aussitôt après l’arrivée de Violette était sorti sans se douter qu’un drame terrible allait se dérouler sous le toit qui l’abritait.

Au dehors la rue était paisible ; seuls les bruits confus de la capitale apportaient jusqu’à l’humble logis leurs échos mourants.

Et Jules Marion, l’âme angoissée, demeurait seul dans sa nuit éternelle… seul avec ces bruits mourants qui traversaient le silence comme une plainte d’agonie !

De temps à autre, d’une voix craintive et tremblante, il appelait ce nom :

— Violette !

C’était plutôt un chuchotement qui s’échappait de sa bouche, et le silence terrible et lourd renvoyait à son ouïe anxieuse un timide écho.

Une heure s’écoula ainsi… une heure d’indicibles angoisses… une heure de tortures !

Et il continuait d’appeler :

— Violette !

Mais toujours et sans cesse le même silence de mort l’enveloppait de ses ailes funèbres !

Et maintenant, avec la pensée horrible que, de ces deux vivants, il n’en restait plus qu’un, lui, Jules Marion se sentit emporté dans des visions épouvantables.

D’abord il revoyait la tranchée croulant sous un déluge de fer et de feu. Il se trouvait seul, incapable de bouger, d’avancer ou de reculer. À ses pieds gisaient par tas des cadavres qui, la face convulsée, les yeux sortis des orbites, semblaient le regarder avec une crise d’épouvante ou une stupeur narquoise. Plus loin sous une pluie de flammes, en des flots de sang qui se précipitaient avec une furie mugissante, surnageaient des débris d’êtres humains, des chairs palpitantes, des têtes qui clamaient leur horreur, des bras qui lançaient vers le ciel noir des gestes de menace. Et dans cet enfer, sur ces flots rouges en furie, ballottée, sanglante, éperdue une jeune fille passait rapidement tournoyant dans l’affreuse mer, heurtant les débris humains, les chairs rouges, les têtes grimaçantes. Et tout cela la poursuivait ; des pieds monstrueux la repoussaient, des mains ensanglantées la saisissaient aux cheveux pour la plonger plus avant dans l’horrible flot. Et quand, horrifiée, elle