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— garde encore… toujours son âme grande, noble, généreuse. C’est l’un de ces héros modestes pour lesquels toute femme bien née aime à vivre et mourir. De même que je fusse morte de sa mort je veux vivre de sa vie. D’autant que cette vie est mon œuvre. J’ai lutté trois mois contre la mort qui voulait me le prendre… je l’ai sauvé. Ah ! père, même sans l’aimer mon Jules, je me penserais la dernière des misérables en l’abandonnant après lui avoir fait entrevoir… que dis-je après lui avoir promis le salut ! Père, ajouta Violette en se levant, j’ai juré à Jules Marion d’être sa femme !

Harold tressauta et regarda sa fille avec stupeur, avec épouvante.

Fière, majestueuse, Violette attendait que son père se prononçât définitivement.

Elle le vit pâlir et rougir tour à tour.

Elle vit ses traits se contracter ses poings se crisper, ses lèvres s’agiter en des imprécations qu’elles ne prononcèrent pas.

Un instant, elle se prépara à soutenir la tempête furieuse contre laquelle elle s’était déjà débattue.

Mais rien ne survint de ce qu’elle avait redouté.

Harold, par nous ne savons quel prodige, conserva son sang-froid, ou mieux, il calma l’orage qui commençait à gronder au dedans de lui-même.

Mais sa voix frémissait quand il dit :

— Violette prends garde de t’abuser ! Tu ne sembles pas voir le gouffre qui vous sépare toi et Marion.

— Quel gouffre ? demanda Violette qui comprenait très bien, mais qui voulait avoir le temps de préparer sa réponse.

— Je veux parler de vos croyances religieuses.

— Le gouffre n’existe plus, père, répondit Violette d’une voix assurée.

— Il n’existe plus !… répéta Harold stupéfait, étourdi. Allons donc ! ajouta-t-il en ricanant, il est impossible que Marion ait renié la foi de ses ancêtres ?

— Père, répliqua Violette, sur un ton convaincu en reniant la foi de ses ancêtres Jules renie la vérité

— Alors… c’est toi… haleta Harold.

— C’est moi qui ai quitté l’erreur pour aller à la vérité.

— Violette, tais-toi ! tonna la voix retentissante de Harold.

— Père, continua Violette sur un ton grave, depuis un an je suis catholique par les aspirations de l’âme ; depuis un mois, je le suis par le baptême !

— Malheureuse !

Avec cette parole qu’il jeta comme un râle, Harold Spalding se laissa choir dans un fauteuil pour demeurer livide et presque pantelant.