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— À deux kilomètres environ de la dernière tranchée, sur la lisière d’un petit bois.

— Vous aviez alors votre parfaite connaissance ?

— Oui.

— Vous pouvez le jurer ?

— Oui.

— On dit que vos camarades vous ont abandonné un moment pour aller chercher un brancard ?

— C’est la vérité

— Combien de temps êtes-vous demeuré seul ?

— Je ne puis préciser, n’ayant pas eu connaissance du retour de mes camarades.

— Ah ! vous n’avez pas eu connaissance du retour de vos camarades. Pourquoi ? Pouvez-vous me donner des explications claires ?

Jules garda le silence et parut réfléchir. Il était demeuré très calme, et toutes ses réponses avaient été faites sur un ton ferme.

Toute l’assistance paraissait suspendue aux lèvres pâles du malade, et durant la minute qui suivit les dernières paroles du juge, un silence de mort pesa lourdement. Tous pensaient entendre une accusation terrible, et cette pensée les tenait tous en haleine. Mais tous, néanmoins, avaient une physionomie tranquille.

Seul, le prisonnier paraissait mal à l’aise. Sa tête chauve s’inclinait lourdement sur sa poitrine. D’abondantes sueurs inondaient sa figure décolorée et noyaient le plastron de sa chemise. Tous ses membres frissonnaient comme s’il eût grelotté de froid sous une bise du nord.

Il faisait pitié !

Violette ne semblait pas voir son père, elle tenait constamment ses yeux rivés sur la figure calme de son cher Jules. Et en dépit de la tournure que prenait l’interrogatoire, en dépit de l’effroyable vérité qu’elle savait et de la terrible condamnation qui pouvait tomber sur la tête de celui qu’elle aimait encore, son père, en dépit de tout cela, la noble fille gardait au fond de ses yeux bleus une lueur d’espoir.

Et cet espoir parut grandir quand Jules demanda d’une voix lente et haute :

— Monsieur le juge, me contraignez-vous de dire toute la vérité ?

— Oui, toute la vérité ! répondit le juge d’une voix solennelle.

Jules tressaillit légèrement. Violette et l’abbé Marcotte pâlirent.

Harold échappa un rauque gémissement.

Seul, Pascal eut un sourire, car seul de nos amis il souhaitait que Jules fût vengé, que le coquin qui était là fût châtié.

Maintenant Jules disait :