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Les deux agents de police s’étaient arrêtés au pied du lit, de sorte que Harold se trouvait face à face avec sa victime. Aussi, à la vue du malade avec son bandeau blanc sur ses yeux éteints, avec son unique bras reposant sur la blanche couverture du lit, Harold avait chancelé et promené autour de lui un regard de détresse, comme s’il eût cherché une issue pour s’enfuir, si bien que les deux agents avaient dû le maintenir.

L’abbé Marcotte avait pensé avec épouvante :

Le malheureux !… il va se perdre !

Derrière le groupe formé par les deux agents et Harold, et tout près de la porte, comme s’il eut craint de se montrer, Pascal, demeurait pâle et gêné.

Quant à Violette elle s’était postée derrière son père, mais de façon à bien voir son Jules. En dépit de la terrible scène qu’elle prévoyait, la vaillante fille conservait une attitude calme.

Durant quelques minutes un silence funèbre enveloppa les personnages de cette scène.

Le juge d’instruction, après avoir salué l’abbé avec courtoisie et murmuré quelques paroles à son oreille, s’approcha tout près du blessé.

Un instant, il parut observer avec une profonde pitié cette pauvre loque humaine. Puis, ce fut d’une voix douce qu’il commença :

— Mon ami, vous nous pardonnerez de venir vous importuner ; nous n’avons pu nous dérober aux devoirs que nous imposent nos fonctions de magistrat. Du reste, je ne vous poserai que les questions les plus indispensables.

Jules garda le silence.

Le juge fit un signe à monsieur Durieux, qui prit en mains son carnet de notes, et il interrogea :

— Vous vous appelez Jules Marion, n’est-ce pas ?

— Oui, monsieur le juge.

— Lieutenant dans l’infanterie canadienne ?

— Oui.

— On dit que vous fûtes blessé lors d’un engagement au cours duquel vous vous êtes sacrifié en allant mettre le feu à une mine souterraine ?

— J’ai fait mon devoir.

— Bien. Vous vous rappelez avoir perdu votre bras gauche et votre jambe droite dans cette terrible explosion ?

— Je me le rappelle.

— Vous vous souvenez aussi que votre vue était en parfait état lorsque vous avez été secouru ?

— J’ai reconnu, de mes yeux, les deux amis qui m’ont sauvé.

— Très bien. Pouvez-vous me dire en quelques mots seulement en quel endroit vous ont conduit ces deux braves au sortir du champ de bataille ?