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— Parce que vous entendez le grondement des canons et le fracas des obus ?…

— Eh bien !…

— Pourtant, mon cher ami, nous en sommes encore à dix kilomètres au moins.

— Diable !

— Vous pouvez dès à présent vous faire une idée assez juste de ce qu’est la bataille là-bas ! !

En effet, au bruit presque assourdissant des grosses pièces d’artillerie et des explosions d’obus qu’apportaient jusque-là les échos mornes du matin, on eut juré que le front n’était pas à plus de deux ou trois kilomètres.

Et parfois, lorsqu’éclatait un obus plus puissant ou plus rapproché, on sentait le sol frémir comme sous l’effervescence d’une secousse sismique.

Et à chaque fois, l’épiderme de Harold Spalding était secoué par un frisson de terreur.

Chaque fois aussi que l’éclatement d’un obus projetait dans l’espace sa formidable détonation, Harold instinctivement courbait l’échine comme pour se garantir contre la chute d’un corps quelconque.

Randall, plus fanfaron peut-être que brave, souriait avec ironie.

Quelques minutes plus tard tous deux pénétraient sous les ruines de la maison de ferme.

Le spectacle était lamentable : c’était un enchevêtrement de poutres, de pierres, de mortier, de débris de toutes espèces empilés sur les meubles éreintés !…

Il faut croire que le propriétaire était absent à l’époque du bombardement, ou que surpris, il n’avait pas eu le temps d’emporter avec lui le principal au moins, de son mobilier.

Le premier objet qu’avisa le regard scrutateur de Randall fut le poêle à moitié enfoui sous les débris poussiéreux de la cheminée démolie.

— Voilà, s’écria-t-il enchanté, la chose la plus désirable que nous pussions souhaiter ce matin.

— Vous avez raison, approuva Harold d’une voix creuse ; pour ma part un bon feu me vaudra autant qu’un bon déjeuner, je suis transi de froid.

En effet, il grelottait…

— À l’œuvre donc ! commanda Randall… Nous aurons le bon feu et le bon déjeuner en même temps. Et il ajouta :

— Il s’agit de tirer ce poêle de là et de l’installer contre cette fenêtre par où s’échappera la fumée.

Les deux hommes se mirent à la besogne.

En peu d’instants, le poêle pourvu d’un bout de tuyau sortant de la fenêtre, et bourré de bout de planches, répandait une bienfaisante chaleur.

Puis Randall retira de son sac diverses provisions de bouche, qu’il avait achetées quelque part chez un fermier des environs.