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Cette fois Pascal ne put retenir un de ses jurons familiers.

— Cré milieu… jura-t-il avec un geste de colère dans la direction prise par la machine emportant Harold Spalding et le docteur Randall.

Puis d’un geste violent, il arracha sa pipe d’entre ses dents, la serra fortement dans sa main droite avec cette imprécation :

— Ah ! maudite pipe !… Et déjà, le bras en l’air, il allait d’un jet foudroyant briser l’innocente pipe, sur le dur pavé, lorsqu’une main nerveuse retint par derrière le bras menaçant…

Pascal se retourna et reconnut l’abbé Marcotte.

Alors sa colère tomba, il baissa la tête et demeura bouche bée.

— Eh bien ! demanda l’abbé, pourquoi en veux-tu tant que ça à ta pipe ?… une pipe toute neuve dont je t’ai fait cadeau, et qui m’a couté deux francs ?…

— Ah ! pardonnez-moi, monsieur le Curé, admit l’ancien sacristain.

— Au moins, pardonnes-tu à ta pipe ?

— Oui, monsieur le curé, répondit Pascal d’une voix piteuse.

— Bon, je te pardonne à mon tour.

— Maintenant, poursuivit l’abbé, je crois comprendre que si tu en veux tant que ça à la pipe c’est parce que tu n’as pas suivi mes instructions…

— Ah ! monsieur le Curé, je les ai bien suivi… seulement…

Il échappa un nouveau geste de colère en jurant encore « Maudite… »

La voix sévère de l’abbé l’arrêta :

— Pascal !… que signifie !

— Ça signifie, monsieur le curé que si je n’avais pas eu cette mau… pardon !… Je veux dire que si je n’avais pas eu ma pipe aux dents, j’aurais eu l’œil mieux ouvert et il ne m’aurait pas échappé.

— Le docteur ? fit l’abbé en tressaillant.

— Oui… il est partit comme le vent dans cette automobile.

— Et Violette ? interrogea l’abbé vivement contrarié.

— Encore une autre de ma mau… pipe… Je l’ai laissée filer elle aussi avec le lieutenant ?

— Quel lieutenant ?

— Raoul Constant donc !

— Raoul ! fit l’abbé ébahi.

— Lui-même… à moins que j’aie eu la berlue.

L’abbé demeura un moment pensif.

Puis il se tourna vers deux personnages qui demeuraient à deux pas de là, silencieux et attentifs et leur dit :