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— C’est vrai.

— Eh bien ! peut-être que cette lettre finira-t-elle par vous convaincre. Et il tendait à l’abbé Marcotte une lettre qu’il venait de tirer de sa poche. Lisez, monsieur l’abbé commanda-t-il.

L’abbé prit la lettre et la parcourut d’un regard indifférent.

— Cette lettre est anonyme, fit-il remarquer.

— Qu’importe ?… puisqu’elle dénonce Jules Marion comme faisant partie d’une bande d’espions dont l’un des chefs vient d’être arrêté, — puisque ce chef, qui se nomme capitaine Von Solhen, reconnait Jules Marion comme l’un des subalternes, — Jules Marion payé pour fournir et procurer à ces espions allemands toutes espèces de renseignements militaires. N’est-ce pas assez ?…

L’abbé ne répondit pas. Il relisait la lettre, pesant, étudiant chaque mot, chaque syllabe. Puis, vivement et à la grande surprise du général qui l’observait, il tira d’une poche intérieure de sa soutane un portefeuille, — de ce portefeuille, une lettre soigneusement pliée, — et cette lettre maintenant il la comparait avidement avec celle que lui avait remis le général. Et alors la physionomie sombre et inquiète du prêtre parut s’éclairer, puis un sourire mystérieux se dessina sur ses lèvres blêmes, et ce sourire s’amplifia.

Puis, toujours silencieux, il remit dans sa poche le portefeuille et la lettre qu’il en avait tirée, retourna au général la lettre dénonciatrice et demanda enfin :

— Ainsi, vous arrêtez Jules Marion sur une simple dénonciation écrite d’une main inconnue.

— N’est-ce pas suffisant ?

— Je ne crois pas.

— Mais en y ajoutant les déclarations de l’espion allemand.

— Lettre et déclarations, répondit l’abbé en haussant les épaules, ne m’ont pas l’air bien sérieuses.

— Vous croyez ?

— Je dois l’avouer.

À ce moment, l’un des officiers subalternes s’approcha tenant à la main une feuille de papier jaune.

— Général, dit cet officier, voici un papier que je viens de ramasser par terre près du lit de l’accusé, et qui pourra peut-être vous intéresser.

— Voyons ! dit le général en prenant le papier jaune.

Jules reconnut la lettre mystérieuse… il pâlit davantage, et ferma les yeux pour ne pas voir les regards qui allaient bientôt peser sur lui.