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rapports secrets avec des agents ennemis ; Jules Marion, vous êtes traître à l’Empire, traître à votre pays, traître à la France, traître aux Alliés ; Jules Marion, acheva le général, vous êtes notre prisonnier !

En entendant formuler ces accusations Jules, contre l’attente des officiers, ne s’était pas troublé ; croyant à une méprise et fort de son innocence il demeurait calme et presque souriant.

Mais Violette était devenue excessivement pâle, et, saisie d’une faiblesse subite, elle s’était laissée choir sur le lit voisin et cachait sa figure en pleurs dans ses deux mains.

Quant à l’abbé Marcotte, ses regards avaient de suite interrogé ceux de Jules, et tous deux se comprirent.

Alors l’abbé s’approcha du général et demanda d’une voix profonde :

— Général, voulez-vous me permettre une question ?

— Je vous écoute, répondit froidement le général.

— Général, reprit l’abbé, puisqu’on accuse Jules Marion d’espionner pour le compte des Allemands, on doit assurément produire des preuves à l’appui de cette accusation ?

— Nous avons des preuves, répliqua le général.

— Vraiment ? fit l’abbé qui pâlit légèrement.

— Eh bien ? demanda l’abbé qui croyait rêver.

— Un des chefs de la bande dont fait partie l’accusé a été arrêté à Paris.

— L’espion a parlé… il a dénoncé Marion.

Ces paroles produisirent une si violente commotion sur Jules qu’il tressaillit violemment et ferma les yeux, pendant que sa physionomie devenait d’une lividité cadavérique, et que son souvenir évoquait la lettre mystérieuse qu’il avait reçue le matin même.

Tous les spectateurs de cette scène virent l’effet foudroyant que les dernières paroles du général avaient produit sur le blessé.

Et lui, au lieu de protester, de se défendre, se taisait… il se perdait dans ses pensées, se sentait emporter dans un rêve gigantesque, tout en cherchant à déchiffrer l’énigme qui pouvait le conduire devant un tribunal militaire et l’envoyer à une mort infamante.

L’abbé Marcotte lui-même demeurait confondu.

Violette restait pétrifiée de surprise et d’horreur.

Le général, paraissant très heureux de l’effet produit par ses paroles, se rapprocha de l’abbé qu’il tira un peu à l’écart.

— Monsieur l’abbé, dit-il, je comprends que vous doutez fort des assertions de l’espion que nous tenons en ce moment entre nos mains.