Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.

car la balle de l’espion boche n’avait fait qu’atteindre l’épaule gauche en déchirant les chairs et s’arrêtant contre l’omoplate. Mais l’énorme perte de sang avait excessivement affaibli le jeune homme, — sans compter que son bras gauche devait, pour quelques jours garder une stricte immobilité.

Chaque jour, l’abbé Marcotte venait passer une couple d’heures avec Jules.

L’abbé racontait les incidents du front et lui donnait lecture du Bulletin des Armées.

Mais Jules ne l’écoutait qu’à demi, tant ses yeux et sa pensée suivaient de près Violette qu’il voyait aller çà et là, remplissant avec une merveilleuse ardeur ses devoirs de garde-malade. Et elle, chaque fois qu’elle passait près du lit du cher blessé, elle avait pour lui un sourire de tendresse, un regard d’ineffable amour…

Et Jules exultait…

L’abbé, qui voyait parfaitement bien tout ce petit manège des amoureux, se taisait et souriait intérieurement.

Six jours encore se passèrent quand, un matin, Violette vint remettre à Jules une lettre qu’un courrier spécial apportait de Paris.

Depuis son arrivée à l’hôpital, Jules n’avait pu entretenir Violette des choses qui lui brûlaient les lèvres. Cela avait été impossible par le fait que Violette avait trop de besogne, — une besogne sans cesse accrue par l’arrivée constante de blessés ; par le fait aussi que ces lits trop rapprochés ne permettaient pas de causer de choses, comme Jules en avait à dire, qui fussent tombées dans l’oreille des blessés voisins. Et malgré toute leur envie de causer de ces choses-là, Jules et Violette avaient dû se résigner au silence et attendre le moment propice. Et durant ce temps leurs regards et leurs sourires avaient entretenu des relations non moins exquises.

Ce matin-là, l’hôpital était presque désert : dans la grande salle on pouvait à peine compter dix ou douze malades, et les lits voisins de Jules étaient vacants. C’était pour le personnel un répit bien mérité.

Aussi Jules se promit-il de profiter de ce répit pour avoir avec Violette la conversation tant souhaitée.

La jeune fille lui avait remis la lettre en disant simplement :

— Quelqu’un apporte cette lettre de Paris pour vous.

Et elle allait s’éloigner aussitôt, lorsque Jules la retint en murmurant :

— Violette… attendez !…

La jeune fille s’arrêta, rougit légèrement et demanda d’une voix très douce :

— Désirez-vous quelque chose, monsieur Jules ?