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école sera close et vous devrez en informer vos élèves. Et notre Commission espère, Monsieur, que vous vous conformerez à la décision prise et que, avec votre lettre de démission, vous nous retournerez la clef de l’école.

Agréez, Monsieur…

Harold Spalding,
Président.

On ne pouvait être plus explicite.

Chassé !

Ah ! comme cette pensée torture l’âme franche et loyale de Jules Marion !

Qu’a-t-il fait de répréhensible pour qu’on le chasse ?

Rien… il n’a rien à se reprocher. Sa conscience est parfaitement tranquille. Il n’a toujours fait que son devoir. Depuis cinq ans il a tenu sa classe avec une assiduité et un zèle remarquables.

Il est aimé de ses élèves, très estimé de leurs parents et de tous les honnêtes gens qui le connaissent.

Garçon rangé, sobre et travailleur, Jules Marion est digne de toute confiance.

Il a trente ans. Son physique est agréable : le teint mat de son visage est éclairé par les éclats de deux grands yeux noirs qu’ombragent des sourcils d’un dessin parfait. Une petite moustache noire, très soyeuse, aux pointes toujours soigneusement effilées, donne à sa figure une expression de noble énergie.

Enfin, grand et bien découplé, il possède cet air d’élégante distinction qui plaira toujours aux regards féminins.

Fils d’un pauvre menuisier mort depuis de longues années, Jules, dès son jeune âge, s’est fait aimer de son curé, l’abbé Marcotte, dont il a été le servant de messe.

Le curé avait remarqué dans ce gamin de douze ans une intelligence précoce.

Après la mort du menuisier, quand il vit la veuve aller en journées pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses deux enfants, Jules et Angèle, avait décidé de s’intéresser à ce gamin.

L’abbé Marcotte était à peu près sans famille. Il n’avait plus que des parents fort éloignés dont il avait perdu la trace.

C’était un prêtre très charitable, très généreux, désintéressé tout à fait des biens de la terre.

Aimant à vivre modestement, il abandonnait à sa paroisse une bonne part de ses revenus. Et c’est à même ces revenus qu’il résolut d’entreprendre les frais d’instruction du petit Jules : il en ferait ce que Dieu voudrait.

Jules aimant l’étude, tout alla bien : il travailla, il apprit, il s’instruisit. Si bien que plus tard il finissait toutes ses études avec une très grande distinction.