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plus vous offenser ; et puis, mon temps donné pour votre cause a été jusqu’ici largement, royalement payé. Pourquoi me plaindrais-je ?… Mais, ce qui me fait un peu rire — et il riait en effet d’un de ces demi-rires qui finissent dans un rictus lugubre — c’est le tableau que je me représente de Jules Marion serrant dans ses bras mademoiselle Violette Spalding pour jeter, dans son triomphe arrogant, un regard de mépris sur la forme prostrée, vile et rampante du puissant Harold Spalding terrassé et vaincu ! Oui, je vois d’ici cette triomphale apothéose, et cela me fait rire de pitié pour vous !…

Le millionnaire venait de s’arrêter à trois pas du docteur ; et, chose singulière, au lieu de la fureur qu’un tel persiflage pouvait faire éclater dans ce tempérament fougueux, Randall vit un sourire illuminer la sombre physionomie de Harold.

Mais ce sourire… le docteur crut le comprendre, car il frissonna intérieurement, et ses regards s’abaissèrent sous les regards de fer de Harold qui disait, avec un accent où grondait une implacable résolution :

— Je vous ai promis la main de ma fille, dites-vous ?… Soit, vous l’aurez ! Que cela vous suffise pour le moment !

Un éclair de joie brilla l’espace d’une seconde sous les paupières baissées de Randall.

— Maintenant, poursuivit Harold en prenant place à sa table, quels sont vos progrès ?

Le docteur Randall releva la tête avec son expression calme et froide et répondit :

— Je vous ai dit que l’abbé Marcotte, survenant soudain dans mon entretien avec Mademoiselle Violette m’avait accusé d’être l’auteur de la tentative d’assassinat contre la personne de Marion. Vous voyez de suite que cet abbé, que le diable embroche, devient dangereux et qu’il n’est pas chien à lâcher.

— Nous nous occuperons de lui, répondit Harold très calme. Du reste, depuis longtemps je lui réserve un bouillon.

— Quant à Marion, continua Randall, tout est à recommencer, et pour cela il faut que je retrouve notre espion.

— Et Violette ? demanda froidement Harold, nous n’allons pas la laisser là, j’imagine ?

— Non, assurément. Toutefois, je n’ai pas de projets définitifs à son égard, et, comme pour Marion, il me faut auparavant revoir le capitaine Von Solhen.

Il tira sa montre et poursuivit après l’avoir consultée :

— Il est dix heures et demie : je crois que je trouverai Monsieur Gaston chez lui.

Et il se leva pour se retirer.