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— Si tu veux… mais ce ne peut-être celle que nous pensons.

L’entrée du chirurgien mit fin à ce dialogue.

L’homme de l’art, une minute, regarda distraitement les trois camarades ; puis, s’adressant à Jules et Marcil :

— Vous pouvez vous retirer, dit-il, car je pense que l’état de votre lieutenant va requérir quelques jours de traitements et de repos.

Raoul fit un geste à ses deux amis que ceux-ci comprirent : ils obéirent à l’ordre reçu.

Mais avant de sortir de l’hôpital, Jules Marion jeta un ardent regard vers la garde-malade. À ce moment, elle avait la figure tournée vers le jeune homme et les rayons d’une lampe voisine éclairaient nettement ses traits. Jules éprouva un violent frisson : la garde-malade avait souri, — ses regards avaient croisé ceux de Jules… Et lui, saisi de vertige, tituba comme un homme ivre et il serait peut-être tombé si la poigne solide d’une main nerveuse ne l’eût retenu sur ses jambes, et si une voix ne lui eût dit :

— Avance à l’ordre !… il est tard…

Et Marcil, qui ne connaissait rien des amours de Jules Marion, entraina le jeune homme au dehors. Et lui, Jules, l’esprit perdu, la tête en feu, s’en allait en se répétant !

— Violette… Violette… oui, c’est Violette !… Ah ! comment Dieu cela est-il possible ?…

Cependant, en dépit des tentatives de Marcil pour entamer la conversation, Jules demeurait obstinément renfermé dans ses pensées.

Ils étaient sortis du village abandonné, ils se trouvaient de nouveau sur la grande route défoncée, hachée, quand dans la nuit profonde un jet de lumière étincela soudain, rapide comme l’éclair qui précède le coup de tonnerre. Une seconde la silhouette de nos deux amis se dessina nettement sur la noirceur environnante — puis une détonation éclata stridente, sinistre, et dans la nuit qui reprit sa noirceur d’encre, Jules Marion poussa un gémissement plaintif et s’écroula aux pieds de Marcil consterné…


CHAPITRE VI

COUP MANQUÉ


Une demi-heure s’était écoulée lorsque par une route que les projectiles ennemis n’avaient pas atteinte, les ambulances surchargées de blessés arrivèrent à l’hôpital.

En même temps aussi un moine paraissait, s’empressant auprès des blessés, aidant, secondant les chirurgiens et les infirmiers qui ne pouvaient répondre à tant de besogne.

C’était le mystérieux moine noir que nous connaissons.