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vant le crucifix d’acier que le moine lui pointait sous le nez : le crucifix laissait voir la gueule menaçante d’un pistolet automatique.

Le rire funèbre du moine résonna :

— Allons ! dit il sur un ton dégagé, soyons sage, Monsieur Gaston, et écoutons les bonnes et douces paroles d’un brave religieux.

Dompté, Monsieur Gaston recula et retomba sur son fauteuil.

Le moine tranquillement remit le crucifix à sa ceinture et poursuivit, calme et froid :

— Je vous ai dit, capitaine, que je venais vous demander un service, mais j’ai eu tort peut-être de ne pas ajouter de suite que ce service vous serait payé au poids de l’or.

À ces mots de consonance métallique éclatant d’effluves scintillants, la physionomie de Monsieur Gaston se fit soudainement curieuse et ravie.

Le moine esquissa un sourire dédaigneux pour continuer :

— Je suis content de constater que vous ne dédaignez pas l’argent, l’or encore moins. Cependant, je dois ajouter que si l’or ne parvenait pas à vous décider au service en question…

— Eh bien ?

— J’aurais le grand regret de vous remettre aux mains des autorités militaires françaises.

— Vous menacez inutilement, dit Monsieur Gaston. Je comprends que vous êtes le plus fort ; sans vous connaître je me soumets à vos ordres.

— Allons ! s’écria le moine en se frottant les mains avec une évidente satisfaction, je commence à penser que nous allons finir par nous entendre.

— Enfin, mon révérend, quelle serait la nature de ce service ? interrogea Monsieur Gaston redevenu tout à fait docile.

— Vous le saurez tout à l’heure, hors d’ici.

— Je vous l’ai dit. Je veux vous introduire près d’une personne tout aussi intéressée que moi dans l’affaire que nous avons à traiter.

— Et où voulez-vous me conduire ? demanda Monsieur Gaston d’un air défiant.

— À votre adresse… c’est-à-dire à l’Hôtel Provençal.

— Ah ! fit l’espion, qui demeura un moment pensif. Puis, dardant ses regards aigus dans les yeux profonds du moine, il demanda encore :

— Qui sait si ce n’est pas un piège que vous me tendez ?

— Pourquoi, un piège ?

— D’abord, vous m’êtes inconnu, c’est quelque chose.

— Admettons.

— Et puis, vous n’êtes pas allemand…