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— Quoi donc, petite folle ?

— Je m’aperçois que, depuis quelques mois, tu prends à partie tout ce qui est canadien et français ? Ces Canadiens, pourtant, sont nos compatriotes, des sujets britanniques comme nous, loyaux à l’Empire…

— Loyaux ! interrompit Harold avec un rire de mépris. Ils le prouvent bien !… Alors que l’Empire est en danger, quand ces canadiens devraient tout sacrifier pour sa défense, ils se croisent tranquillement les bras pour dire : Qu’elle s’arrange l’Angleterre !… Tu appelles ça de la loyauté, toi ? Quand à l’appel des clairons nos fils ont répondu avec toute l’ardeur du plus pur patriotisme, eux, ces mêmes Canadiens, n’ont seulement pas bougé d’une semelle ! Et cela s’appelle de la loyauté ?

— Tu sembles oublier, père, qu’il y a actuellement sur le front de bataille deux bataillons de Canadiens-français.

— Oui, parlons-en… une couple de mille hommes… quand leur population est à l’égal de la nôtre… quand ils devraient être cinquante mille au moins ! Que dis-tu de cela, Violette ?

— Je dis que s’il n’est point cinquante mille Canadiens-Français sur le front de bataille, il n’est pas non plus cinquante mille Canadien-anglais. Observe, père, que nos bataillons là-bas sont composés pour la plupart d’Anglais immigrés en Canada et aux États-Unis, de diverses nationalités étrangères et de plusieurs centaines, sinon des milliers, de Canadiens-français dont l’éparpillement parmi nos bataillons ne peut constituer un nombre dans son entité. Mais ajoutons-les aux deux mille que tu leur alloues, et je pense que le nombre de Canadiens-français faisant actuellement le coup de feu ne restera pas bien loin en arrière de celui de nos Canadiens-anglais. Et toi, à ton tour, que dis-tu de cela ?

— Violette, gronda Harold, tu vas finir par m’agacer !

— Et puis, père, ce qui m’étonne, c’est de savoir que tu admires tant la France, sa langue, ses institutions, la valeur de ses belles et héroïques armées, et que pour ses descendants, tu sembles n’avoir que du dédain ?

— Du dédain ! ricana Harold, tu n’as pas le mot qui complète ma pensée. Mais qu’importe ! Oui, j’admire la France, mais je ne peux admirer ses descendants canadiens qui sont des dégénérés, n’ayant conservé du peuple français que la langue. Ah ! s’ils étaient les vrais fils de cette terre française, on ne les appellerait pas à l’enrôlement : ils se précipiteraient d’eux-mêmes, ils réclameraient des fusils, ils exigeraient qu’on les conduise à la bataille, qu’on les jette contre les Allemands ! Le font-ils ?

— Peuvent-ils le faire, riposta Violette avec une