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devant lui ; et, pour le pire, l’ombre infernale agissait… elle souriait férocement… elle parlait…

Ce n’était qu’un moine pourtant ! Mais ce moine, comme tout à coup tombé du ciel ou sorti de l’enfer, avec un crucifix menaçant passé dans la ceinture, causait à monsieur Gaston plus d’épouvante que ne l’eût fait la subite apparition d’un apache survenant revolver en main poignard aux dents.

Oui, monsieur Gaston, comme sa servante tout à l’heure, était sur le point de s’évanouir de peur, lorsque la voix funèbre du moine parut le retenir sur ses tibias flageolants.

Le moine disait avec une ironie enjouée :

— Je regrette, monsieur Gaston, de vous causer pareille surprise ; mais c’est votre faute, sinon celle de madame Berthe chargée d’ouvrir à quiconque frappe à votre porte trois coups de façon toute particulière.

Et il ajouta en ricanant :

— Peut-être eussé-je mieux fait d’user du merveilleux Sésame : Ordre de l’Empereur !…

— Ordre de l’Empereur !… répéta Monsieur Gaston dont la physionomie devint livide.

— De l’Empereur Guillaume II… pourquoi pas… ricana le moine.

— Mais…

— Vous vous étonnez encore, interrompit le moine, sarcastique que le Kaiser connaisse votre retraite à Paris ?

— Avouez… voulut dire monsieur Gaston tout tremblant.

Le moine ne lui permit pas de poursuivre.

— Bah ! monsieur Gaston… pardon, se reprit le moine en s’inclinant avec une politesse moqueuse, je voulais dire : capitaine Von Solhen !

Monsieur Gaston esquissa un geste de terreur, — geste qui mit sur les lèvres du moine un ricanement diabolique plus prolongé.

Et il poursuivit, toujours très railleur :

— Comment diable, Capitaine, un homme de votre intelligence pût-il oublier que le Kaiser ou ses lieutenants vous confieraient une mission de haute importance, sans s’enquérir de votre domicile, sans s’intéresser, en dehors de vos rapports très réguliers et très corrects — je dois l’avouer — sans s’intéresser, dis-je, à vos faits et gestes privés, — sans s’assurer, enfin, si l’adresse que vous donnez est bien exacte.

Monsieur Gaston voulut protester, mais le moine n’en lui laissa pas le temps. Il continua :

— Or, il appert que ce brave monsieur Gaston donne adresse « Hôtel Provençal », sans toutefois y domicilier. C’est équivoque… Certes, on y voit bien de temps à autre le dit monsieur