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Cela fait, il revint à Berthe qui dardait sur son patron des regards d’hallucinée.

— Ah !… c’est vous, monsieur Gaston !… hoqueta la bonne encore sous l’empire de visions fantastiques.

— Oui, Berthe, c’est moi… vous le voyez bien. Je vous ai donc fait peur ?

— Seigneur du Paradis… j’ai cru que c’était… Ah ! Sainte-Mère de Jésus… épargnez-moi !…

Et pendant que monsieur Gaston souriait candidement à ces jérémiades, Berthe finissait de se remettre sur pied, moins effrayée, plus calme.

— Berthe, dit monsieur Gaston, il vaut mieux pour vous de monter de suite à votre chambre. Tous deux nous avons été l’objet d’une très étrange hallucination ; rien n’a bougé au dehors. Oui, je le répète, nous avons rêvé cela. Toutefois — prudence vaut cher — nous allons nous retirer, vous dans votre chambre avec ce bougeoir, moi, au fumoir où j’ai de la besogne urgente à terminer.

— Ah ! monsieur Gaston, larmoya la bonne que les observations du patron ne rassuraient qu’à demi, aidez-moi, car je ne pourrais monter seule là-haut.

— Soit, venez.

Et monsieur Gaston lui tendit le bras.

Seul et sans lumière, il revenait cinq minutes plus tard et gagnait à tâtons son fumoir.

Ce que monsieur Gaston appelait « son fumoir », était une petite pièce de dix pieds carrés contiguë à la salle à manger. C’était aussi son « cabinet de travail ».

Une fois dans son fumoir dont il avait soigneusement verrouillé la porte, et certain que la lumière ne serait pas vue du dehors — car le fumoir n’avait qu’une petite fenêtre percée sur l’arrière du logis derrière lequel se dressait un vieux hangar — monsieur Gaston alluma une lampe à gaz posée sur une petite table.

Le fumoir s’illumina subitement. Au moment où il allait jeter l’allumette, monsieur Gaston étouffa un cri de stupeur et d’épouvante à la fois en voyant se dresser devant lui quelque chose qui lui parut un fantôme.

La seconde suivante, il se rua vers la porte pour s’enfuir ; mais le fantôme, d’un bond plus raide, se trouva sur son passage lui coupant la retraite. Et en même temps d’une voix qui parut sépulcrale à l’ouïe terrifiée de monsieur Gaston, le fantôme disait :

— Un moment, monsieur Gaston, nous avons à causer !

— Qui êtes-vous ?… D’où sortez-vous ?… Que voulez-vous… haleta coup sur coup monsieur Gaston, la physionomie hagarde, les membres frissonnants.