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LA MÉTISSE

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chambre. C’est alors qu’elle aperçut un paquet de vêtements trempés.


MacSon le poussa rudement.

Héraldine souleva ces vêtements avec un étonnement qu’on ne saurait traduire.

Sans une question elle regarda Esther qui, toute tremblante, incapable de prononcer une parole, ébaucha un vague geste de la main. Et ce geste Héraldine l’interpréta ainsi : « Ne parle pas… cache ces vêtements… que personne ne les voie ! »

Mais comme Héraldine laissait encore ses regards ébahis peser sur la pauvre fille, celle-ci put balbutier ces mots :

— Héraldine, fais disparaître ces choses… sois muette… je t’expliquerai plus tard !

Héraldine devina un mystère qu’il ne lui était pas permis d’approfondir dans ce moment. Elle s’empressa de cacher les vêtements d’Esther et descendit à la cuisine pour préparer une potion de lait chaud au gingembre.

À ce moment MacSon rentrait, revenant de l’étable. Il était très pâle, avec une physionomie fatiguée et inquiète.

Sa première question fut celle-ci :

— Hansen n’est donc pas revenu hier soir ?

— Je ne l’ai pas revu depuis qu’il est parti hier pour aller vous rejoindre au village.

— C’est curieux, il m’a fait comprendre qu’il allait rentrer avec moi, et je ne l’ai pas revu.

Quelle comédie MacSon avait-il imaginé ? Cette comédie, la nuit d’avant, avait épouvanté et rendu folle presque sa fille Esther ! Voulait-il éloigner de lui les soupçons dans cette tragédie nocturne dont il avait été l’un des acteurs ? C’est évident, et il ne voulait pas être incommodé par les enquêtes que la police ne manquerait pas de faire.

Quant à Héraldine, elle ne se préoccupait nullement du Suédois qu’elle aurait voulu voir à cent lieues de la ferme. Pour le moment il s’agissait d’Esther, d’Esther malade, très malade même. Aussi jugea-t-elle prudent d’en prévenir MacSon, au cas où les services d’un médecin seraient requis.

— Vous ne savez pas, monsieur MacSon, qu’Esther est bien malade ?

— Esther ?… malade… bégaya le fermier.

— Elle a une très grosse fièvre.

— Pensez-vous que c’est grave ? interrogea MacSon un peu inquiet.

— Je n’en sais rien encore. Je lui prépare quelque chose à boire. Si cela ne lui fait aucun bien, il faudra prévenir le médecin.

— C’est bon, vous me le direz.

France et Joubert, qui avaient entendu ces paroles, s’approchèrent et demandèrent à la Métisse :

— Esther est donc malade, Didine ?

Leurs petites figures avaient de suite exprimé une forte inquiétude.

— Oui, chéris, Esther est malade. Vous ne ferez pas de bruit pour qu’elle repose tranquillement, et vous vous tiendrez bien sage n’est-ce pas ?

— Nous serons très sages, déclara sérieusement France en consultant du regard Joubert.

— Oui, oui, affirma ce dernier.