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LETTRE DE SAINT-AMANT

À LA VILLE DE ROUEN

POUR REFUSER LE BRONZE OFFERT.


Vivant, tu m’ignoras. Et mort, tout nous sépare,
Jusqu’à ces mots… gaulois que j’écrivais en grec.
Qu’a de commun, Prude et Prudent, qui clos ton bec,
Ma truculence obscène avec ton verbe rare ?

Il te faut les Bérat pour régner sur le Square,
Pas Auvray, à qui je lève mon caudebec.
Quant à Bouilhet, s’il glousse aux rives du Robec,
Dis à Flaubert que je pisse dans sa guitare.

Pas de bronze pour moi. Corneille pour le sien,
— Or je suis plus artiste et plus musicien, —
Cent cinquante ans croqua le marmot sans vergogne.

Mais, poésie à part, tu peux laurer ma trogne.
Grave sur un tonneau ce par quoi je fus tien :
« Le Commerce des vins au magnifique ivrogne ».


23 février 1912.