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le sang du gentilhomme devant une menace, il n’oserait me toucher…

— Vous oubliez que, pour lui, sous ce costume, vous n’êtes pas le comte de Lansac, mais Claudien. Et puis, par grâce… pour moi…

— Pour vous, Madeleine… soit !… mais, avant de partir, donnez moi vos deux mains à baiser…

— Et entre nous, une séparation éternelle ?

— Éternelle ! affirma le créole.

Il prit les deux mains que lui tendait Madeleine ; mais en même temps il l’attira, l’enlaça de ses bras, et déposa sur les épaules frissonnantes de la jeune fille un ardent baiser qui la brûla comme un fer rouge.

— Que ne puis-je, murmura Firmin à son oreille, te laisser de ce premier baiser une empreinte ineffaçable !

Madeleine avait poussé un cri de détresse. En même temps, dans la salle voisine, la voix de Jérémie s’était fait entendre.

— Qu’y a-t-il donc, Madeleine ? cria le mulâtre.

Firmin souffla la chandelle et s’enfuit à toutes jambes.


XXI


Quand Jérémie arriva dans le couloir, après avoir allumé une lumière, il trouva Madeleine affaissée sur le carreau, le front caché autour de ses bras et traînant dans la poussière. Jérémie allongea la tête dehors, et vit, sans pouvoir le distinguer, un homme qui courait en gagnant l’extrémité de la savane du côté du bourg.

— Qui donc était là ? demanda-t-il d’une voix tonnante